Ce vendredi 10 décembre, un mémorial a été inauguré dans la ville de Santos, littoral de São Paulo, sur la place Domingos Aulicino (Santa Maria - partie nord-ouest de la ville), en hommage aux jeunes, disparus assassinés en 2006, lors des massacres qui ont eu lieu dans l’État de São Paulo, plus connus sous le nom de « crimes de mai ». Au cours de cette période, plus précisément au mois de mai, des groupes d’extermination policiers et paramilitaires liés à la Police militaire ont promu ce qu’ils ont appelé une « vague de réponses » aux attaques du « Premier Commandement de la Capitale ». Selon les données de l’Institut de médecine légale de l’État de São Paulo, ce sont 493 personnes qui ont été assassinées par arme à feu entre le 12 et le 20 mai - dont plus de 400 jeunes, noirs, métis et pauvres sommairement exécutés. En 2018, une étude produite par le Centre d’archéologie et d’anthropologie médico-légales de l’Université fédérale de São Paulo (CAAF/UNIFESP), en partenariat avec le Centre latino-américain - École d’études interdisciplinaires et de zone de l’Université d’Oxford, en Angleterre, a souligné que les exécutions étaient encouragées par des groupes ayant une expertise technique militaire.
Situé sur l’avenue Jovino de Melo, près de l’UPA de la zone nord-ouest, le mémorial consiste en un monument composé de onze silhouettes debout sur une plate-forme circulaire, des bouquets de roses à bout de bras levés, symbolisant la lutte que le groupe de femmes, qui constitue le mouvement Mães de Maio, a mené ces 15 dernières années.
Parmi les personnalités des différents secteurs du pouvoir exécutif présentes à l’inauguration, figuraient le mouvement des Mães de Maio, le maire Rogério Santos (PSDB), l’artiste responsable de l’œuvre Luiz Garcia Jorge, le père Luiz Carlos, de la paroisse São Judas Tadeu/Casqueiro (curé de l’église Margarida Maria en 2006, où les Mães de Maio ont distribué des boutons de rose pendant 10 ans), la conseillère municipale Débora Camilo (PSOL) et les conseillers municipaux Francisco Nogueira (PT) et Adilson Júnior (PP).
Pour Débora Maria, coordinatrice de Mães de Maio, le mémorial est le résultat de près de deux décennies de lutte et de résistance de femmes travailleuses dont la vie a été déshonorée par la violence de l’État. Par conséquent, cette reconnaissance par le pouvoir public de la ville de São Paulo n’est que le premier pas vers un mouvement dont la mission est de lutter pour la vérité, la mémoire et la justice pour toutes les victimes de la violence discriminatoire, institutionnelle et policière contre la population pauvre, noire et métisse, d’hier et d’aujourd’hui.
"Ce mémorial est un patrimoine régional ; c’est la reconnaissance que nos enfants ont été exécutés par le bras armé de l’État [...] et nous sommes ici pour dire que « nos morts ont une voix » [...] ils ont pris la partie physique de nos enfants, engendrant la nostalgie, rendant les mères malades, laissant des familles entières détruites et nous essayons de surmonter cela avec cette étreinte, avec ce câlin, [...] ensemble nous sommes plus fortes pour donner naissance à une nouvelle société".
Nair Torres, Mães de Maio, ajoute que la reconnaissance est liée à une réalisation qui n’a été possible que grâce à la lutte. « c’est le résultat d’une lutte de longue haleine ; cette reconnaissance nous permet de souffler ».
Sônia Lins, Mães de Maio, souligne que la lutte ne s’arrêtera pas, car tant que le pays ne crée pas les moyens d’une politique respectueuse de sa population, il n’y a pas de justice. "Cette lutte n’a pas cessé et ne cessera pas, nous continuerons à nous battre jusqu’à ce que ce pays s’améliore pour sa population.
Ilza Maria dit qu’il est nécessaire que la lutte continue à travers d’autres personnes, « c’est une lutte très importante, pour les jeunes qui ont disparu et pour ceux qui sont encore présents, et si demain je ne suis plus là, je demande à ce que la lutte continue ».
Présent à la cérémonie, le père Luiz Carlos, prêtre de la paroisse qui a accueilli les mères pendant cette période en 2006, a déclaré qu’après quinze ans de lutte de ces femmes courageuses, c’était une joie d’être tous ensemble en ce moment de reconnaissance, surtout en des temps aussi sombres. Alors que les armes sont présentées comme solution pour une société plus juste, pour lui, au contraire, c’est l’attitude de ces mères qui ont décidé de se battre, non avec des armes mais avec des roses, de la cohérence, du courage et de la détermination pour la mémoire et la vérité, même face à une telle violence, qu’elles et leurs familles donnent l’exemple.
Le maire, Rogério Santos, a conclu en disant que la place a retrouvé une nouvelle vie, qu’elle est maintenant plus belle et qu’à une époque où il y a tant d’intolérance, il espère qu’un acte symbolique comme celui-ci servira d’exemple à l’ensemble de la société.
La date choisie pour l’inauguration est liée, selon Débora Silva, à la Journée internationale des droits humains, célébrée depuis 1950, le 10 décembre. À cette date, on célèbre l’officialisation, advenue en 1948, de la Déclaration universelle des droits humains par l’Organisation des Nations unies (ONU).