Considérer les projets d’intégration latino-américains exige de formuler quelques interrogations vitales. Une intégration pour qui ? Pour les secteurs privilégiés de ces sociétés ? Pour que les capitaux, qu’ils soient nationaux ou transnationaux, puissent circuler librement sur tout le continent ? Ou, au contraire, pour les peuples, pour les majorités appauvries, exclues, subordonnées ? [1]
Comme le remarque Edgardo Lander, la dynamique de l’intégration supranationale possèderait, tel le Dieu Janus, un double visage, une caractéristique reprise par Christian Deblock quand il propose de distinguer entre deux modèles d’intégration, un « modèle concurrentiel à l’américaine » et un « modèle communautaire à l’européenne » [2]. Le premier, que nous appellerons stato-économique, est articulé autour de l’idée de liberté économique qui met de l’avant à la fois un projet commercial de libre-échange, mais qui suppose aussi l’instauration d’une structure de gouvernance « qui sanctionne l’autonomie du marché vis-à-vis de l’État et qui, par conséquent, accorde à la société civile une large part d’autonomie » [3]. L’objectif premier de cette forme d’intégration est donc essentiellement économique. Cependant elle ne peut être dissociée d’un projet politique sous-jacent conforme aux canons de l’idéologie néolibérale voulant que la libéralisation accrue des échanges commerciaux soit le moteur d’un développement économique qui aboutira à terme à une démocratisation politique, étant entendu qu’une société néolibérale de marché est, par définition en quelque sorte, une société démocratique.