À qui profite la destruction du Brésil ?

 | Par Emir Sader

Traduction par les étudiants du Master 1 LEA-LCAI de l’Université de la Rochelle pour Autres Brésils
Relecture par Adèle Goliot

Emir Sader, chroniqueur au journal numérique 247 est l’un des principaux sociologues et politologues brésiliens.

En l’espace de quelques mois il est apparu clair que le gouvernement issu du coup d’État n’avait en tête que des projets rétrogrades : la destruction du patrimoine public - à commencer par Petrobras [1] et le pré-sal [2], mais aussi des banques publiques - des ressources pour les politiques sociales, des droits des travailleurs, de la souveraineté dans la politique extérieure du Brésil.

Le gouvernement s’y emploie avec ténacité, comme s’il avait reçu l’aval du peuple. Pourtant, sans tenir compte de l’avis de ce peuple et sans cesse battu aux élections, il applique une politique extrêmement impopulaire et ne peut compter que sur l’appui d’un nombre infime de partisans.

Il assume l’objectif historique d’interrompre l’action des gouvernements successifs du Parti des Travailleurs qui avaient pris une direction opposée : renforcement des entreprises d’État, de Petrobras, mais aussi des banques publiques ; mise en place du plus grand processus de démocratisation sociale de l’histoire du pays avec la construction d’un marché intérieur accessible à tous en permettant l’intégration sociale de dizaines de millions de personnes ; amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs de façon permanente ; rayonnement du pays à l’international grâce à une politique extérieure souveraine.

Contrairement à ce qui se passe ailleurs dans le monde, les gouvernements, depuis 2003, ont démontré qu’il était possible de réduire les inégalités et d’en finir avec la faim et la misère ainsi que de donner la priorité aux politiques d’intégration régionale plutôt qu’aux traités de libre-échange avec les États-Unis. De même l’intégration du Brésil dans les BRICS est une alternative à un monde en récession.

C’est contre tout ce qui avait été établi que s’érige le gouvernement issu de l’impeachment. Tout d’abord, sur le plan intérieur, il a désarticulé le modèle de croissance économique en consolidant l’hégémonie du capital financier au détriment des investissements productifs. Simultanément le chômage a augmenté, fragilisant ainsi la capacité de négociations des syndicats, paupérisant davantage la force de travail et augmentant la surexploitation des travailleurs et les énormes profits des patrons.

Sur le plan extérieur, ce gouvernement a affaibli les BRICS, isolé le Brésil de cet axe fondamental de création d’un monde multipolaire et favorisé les intérêts des Etats-Unis dont l’objectif est de dévaloriser l’image du pays en Amérique latine et dans le monde.

Mais qui sont les perdants de ces bouleversements ?

C’est tout d’abord la majorité de la population brésilienne qui bénéficie des politiques sociales et des ajustements de salaires en fonction du taux d’inflation. Le chômage, le désarroi , le nombre de sans-abris et la précarité du travail sont en hausse à l’instar de la concentration des richesses et de l’exclusion sociale.

C’est ensuite le projet d’un Brésil en situation de croissance qui génère des emplois et un salaire pour tous. C’est la réputation du Brésil en Amérique latine et dans le monde. C’est la possibilité de montrer qu’un projet de développement avec un partage des richesses est à nouveau possible, que ce dernier est fonctionnel et alimente la croissance économique.

C’est également l’image de référence du Brésil auprès de l’Amérique latine et des pays du Sud.

Ce sont ceux qui croient en la construction d’un monde plus équitable, avec une moindre concentration des richesses et du pouvoir. 

C’est aussi la démocratie qui se construisait avec beaucoup d’efforts au Brésil, incluant toute la population et qui laissait entre les mains du peuple le choix de celui qui devrait gouverner.

Ce sont enfin l’emploi, la confiance dans le Brésil, la fierté d’être brésilien, l’opportunité de bâtir un pays solidaire basé sur l’égalité et la justice.

La reconstruction du Brésil profitera ainsi à la grande majorité de sa population, à tous ceux qui ont foi en la démocratie, ceux qui croient qu’un Brésil leader de la région et des pays du Sud nous sera profitable à nous, Brésiliens comme pour un grand nombre des pays du monde.

Voir en ligne : Brasil 247

[1Petrobras : entreprise pétrolifère créée en 1953 et dont l’État est actionnaire majoritaire.

[2Pré-sal : vastes gisements de pétrole situés à 2.000 mètres sous le niveau de la mer, sous les couches de sel.

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