A Rio de Janeiro, la ’sécurité publique’ dans l’arène electorale Le retour des UPP à Rio de janeiro ?

 | Par Gil Luiz Mendes, Ponte Jornalismo

La violence urbaine et la sécurité publique à Rio de Janeiro sont des problèmes pour ceux qui y vivent et des instruments pour ceux qui veulent prendre le pouvoir local. Il n’est pas nouveau que des politiciens de différents partis politiques se soient attribué le rôle de sauveurs locaux, promettant des temps de paix avec des projets qui n’ont jamais montré l’efficacité attendue.

Les Unités de police de pacification (UPP) en sont le plus grand exemple. Créées en 2008, sous l’administration de Sérgio Cabral, Gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro à l’époque, actuellement en prison pour corruption, le projet visait à créer une police communautaire dans les favelas, afin de démanteler le trafic de drogue. Ces policiers seraient également chargés des loisirs et activités culturelles au sein des communautés.

Les effets de la mise en œuvre des UPP dans les favelas ont été de courte durée et ont eu des conséquences durables. Si, d’une part, en quelques mois elle est parvenue à réduire le nombre d’homicides dans les communautés d’autre part, sur le long terme, cette politique n’a servi que de modèle supplémentaire de répression contre les populations pauvres et noires. Les policiers de l’UPP avaient désormais pour fonction d’approuver ou pas les événements organisés dans les favelas, tels que les bals funk. Il convient de rappeler que c’est au sein de l’Unité de pacification de la police de Rocinha que le maçon Amarildo Dias de Souza a été torturé par des policiers avant que son corps ne disparaisse.

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Quatorze ans plus tard, les UPP ressurgissent dans le débat public. Sans donner beaucoup d’explications sur la manière dont le projet nommé ‘Ville intégrée’ serait mis en œuvre, l’actuel Gouverneur Cláudio Castro a autorisé les forces de sécurité de l’État à occuper la favela de Jacarezinho, dans la zone nord de la ville de Rio de Janeiro – celle qui, l’année dernière, a été le théâtre de l’opération policière la plus meurtrière de l’histoire de Rio, où 28 personnes ont été tuées, - et à Muzema, une communauté de la zone ouest où deux bâtiments construits par la milice de Rio das Pedras se sont effondrés faisant 24 morts.

Au moment où ce bulletin arrive dans votre boîte aux lettres, Cláudio Castro a promis aux médias de présenter les détails du projet ‘Ville Intégrée’ lors d’une conférence de presse. Tout porte à croire qu’il n’y aura pas beaucoup de différence avec le plan présenté il y a plus de dix ans par Sérgio Cabral. La manière dont ce projet sera mis en œuvre présente plusieurs similitudes avec celle du programme créé en 2008.

L’occupation du territoire par les forces militaires, comme cela s’est produit cette semaine, fut également la première action gouvernementale dans les favelas pour mettre en œuvre le plan sous l’administration de Sérgio Cabral. Deux mois avant l’inauguration de l’UPP de Vidigal, en février 2012, la communauté avait été occupée par des militaires et des blindés de la Marine nationale. Les dates choisies pour les inaugurations des Unités de police de pacification avaient également un objectif précis.

L’UPP du Morro Dona Marta est pionnière dans ce type de politique de sécurité de l’Etat de Rio. Inaugurée en 2008, elle a été l’une des principales cartes de visite pour montrer qu’il était possible, en termes de sécurité publique, d’accueillir des événements tels que la Coupe du monde de 2014 et les Jeux olympiques de 2016. 2008 a aussi été l’année où Rio de Janeiro a élu pour la première fois le maire actuel, Eduardo Paes.

Le jour où sa victoire a été confirmée dans les urnes, Paes a tenu à dédier sa victoire au gouverneur de l’époque. « Je dédie [la victoire] à l’homme politique qui a changé la façon de faire de la politique dans cette ville et dans l’État, qui travaille pour le partenariat : le Gouverneur Sérgio Cabral », avait alors déclaré l’actuel maire de Rio.

L’année 2022 est aussi une année électorale et Cláudio Castro, figure inexpressive de la politique de Rio de Janeiro, parachuté au Palais Guanabara, siège du gouvernement, après la destitution du non moins inexpressif Wilson Witzel, veut avoir quelque chose qu’il puisse présenter aux électeurs comme portant sa signature et tente de le faire en voulant démontrer une force qu’il n’a pas eu dans la lutte contre la pandémie, par exemple.

Comme l’a déclaré Pedro Paulo da Silva, coordinateur de recherche de LabJaca, une plateforme de données gérée par des habitants de Jacarezinho, les communautés de Rio n’ont pas été entendues en amont de ces nouvelles UPP et l’agenda de la sécurité publique sera utilisé comme monnaie d’échange dans le jeu électoral.

« La violence et la sécurité, qui sont des questions extrêmement importantes et qui devraient être fondées sur les principes des droits humains, sont utilisées comme une monnaie d’échange politique dans une campagne purement électorale », a déclaré le chercheur dans une interview accordée à Ponte cette semaine.

Lorsque vous aurez fini de lire ce bulletin, le gouverneur de Rio de Janeiro aura peut-être déjà donné plus de détails sur la manière dont il entend mettre en œuvre une politique de sécurité publique dans les favelas au cours de sa dernière année de mandat.

Couverture : dessin de Junião pour Ponte Jornalismo

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