Révolution dans les transports urbains : les transports en commun ont priorité sur la voiture

 | Par Agence Carta Maior, André Barrocal

C’est ce que dit la première loi de cette année 2012. Les autorités vont pouvoir imposer des rotations et taxer l’utilisation des voitures pour des raisons liées au trafic et à l’environnement. Des subventions seront accordées aux bus, trains et métros. Les compagnies de bus seront choisies à l’issue d’appels d’offre ce qui permettra de contrôler et d’apporter plus de transparence dans la tarification – tarification qui, en dix ans, a progressé à un rythme 50% supérieur à l’inflation. Le veto de la présidente Dilma au texte de Lula empêche l’adoption d’une solution permettant de diminuer les tarifs.

Source : Carta Maior - 06/01/2012

Traduction : Hélène Breant pour Autres Brésils
Relecture : Roger Guilloux

<img2330|left> BRASÍLIA – L’année 2012 – année électorale – commence par une petite révolution dans l’un des domaines les plus importants de la vie quotidienne des citoyens brésiliens appelés aux urnes au mois d’octobre pour élire le maire de leur ville. Une loi fédérale promulguée mercredi inverse une logique non écrite mais empirique, qui veut que l’usage de la voiture particulière oriente les politiques publiques en matière de transport.

A partir du mois d’avril, et avec l’entrée en vigueur de cette loi, les transports en commun deviendront l’acteur majeur pour la prise de décisions des autorités en matière de déplacements urbains.

Pour rendre moins incitatifs les déplacements en voiture et recueillir les fonds nécessaires à un investissement accru dans les bus, métros et trains, les Etats et les municipalités pourront taxer la circulation des véhicules dans des zones précises, comme le font déjà des villes comme Londres et Stockholm, par exemple.

Pour la même raison – et également pour des motifs liés à la protection de l’environnement – Etats et mairies sont autorisés à organiser une rotation des voitures [1]. Cette pratique existe déjà à São Paulo, mais sans assise juridique ferme, permettant de faire face avec efficacité aux contestions contestations en justice. A partir de maintenant, suite à l’adoption de la loi instaurant une Politique Nationale pour la Mobilité Urbaine, une telle mesure pourra devenir efficace.

Le prix des tickets de transport en commun, notamment des bus, va très rapidement évoluer grâce à la nouvelle loi – et dans le bon sens, du point de vue des usagers. L’entreprise qui exploite les lignes municipales devra être choisie par la mairie dans le cadre d’un marché public, et non plus sur décision personnelle du maire. C’est l’entreprise offrant le service au meilleur prix qui emportera le marché.

Cette obligation de recourir à une procédure d’appel d’offre va rendre le processus plus transparent. Actuellement, l’entreprise est choisie sur la base des souhaits de la mairie, qui fixe régulièrement les tarifs à partir d’estimations du nombre de passagers et du coût du transport par usager.

Cette pratique soumet le processus aux intérêts politiques. A São Paulo, par exemple, le maire, Gilberto Kassab – dont le mandat prend fin cette année et qui tentera certainement d’introniser l’un de ses alliés pour lui succéder – ne prévoit aucune révision des tarifs. Il a fait la même chose en 2008 lorsqu’il a été réélu, promettant un gel du prix du billet en 2009. L’année suivante, il l’augmentait de 17%.

Cette absence de régulation a permis en dix ans une hausse du prix du ticket de bus de 50% supérieure à l’inflation – calculée sur la base du coût de la vie des foyers les plus modestes (indice national des prix à la consommation). Ceci n’incite en rien les opérateurs à plus d’efficacité, puisque si le coût du transport par passager diminue, le tarif peut être réduit d’autant.

Autre bonne nouvelle pour l’usager : la nouvelle loi impose la mise à disposition gratuite, à tous les arrêts de bus et stations de métro ou de train, d’informations sur les itinéraires, horaires, prix et correspondances entre différents modes de transport.

Problèmes

L’objectif de cette Politique Nationale pour la Mobilité Urbaine est de rapprocher gouvernement fédéral, Etats et mairies dans le cadre de la planification et de l’exécution d’actions en faveur des transports publics, définissant ce que chacun fait et comment agir de conserve – parce qu’il est dans l’intérêt de la population que les villes soient plus agréables.
D’après le texte de loi, le gouvernement fédéral a désormais l’obligation légale de soutenir financièrement les investissements dans le métro, ce qui se faisait depuis le second mandat du président Lula, mais de sa propre initiative.

Cependant, la loi pose quelques problèmes. Ce texte est l’aboutissement d’un projet de loi transmis par le gouvernement Lula au Congrès en 2007, adopté par les députés en août 2010 puis par les sénateurs en décembre dernier. Certains de ces points épineux sont recensés par une étude de l’Institut de recherche économique appliquée (IPEA).

Selon cet organisme, la loi se trompe en ne prévoyant pas, par exemple, de financements stables et pérennes destinés aux transports publics Et, suite à une décision de la présidente Dilma Rousseff, à la demande d’une équipe d’économistes du gouvernement, la loi promulguée a le tort de ne pas s’attaquer à ce qui serait une distorsion au système de transport en commun actuel : l’usager et payeur finance l’usager qui ne paye pas.

Cette question est politiquement très délicate. Aujourd’hui, les tarifs du métro et du bus sont fixés sur la base des flux de passagers, mais certaines catégories d’usagers y ont un accès gratuit (personnes âgées, fonctionnaires de la police militaire, facteurs) ou bénéficient d’un tarif réduit (étudiants).

En conséquence, l’usager typique, en général issu de milieu modeste, paye le prix calculé sur une base qui comprend aussi le coût avantageux du transport pour les étudiants et les personnes âgées. “Cela confère à cette politique tarifaire un caractère régressif”, indique l’étude de l’IPEA.

La loi adoptée par le Congrès tente de résoudre cette contradiction en disposant que le coût de la subvention devrait être payé par la société tout entière puisque celle-ci a collectivement décidé d’accorder un traitement différencié aux policiers, facteurs, étudiants et personnes âgées. Pour ce faire, il faudrait voter une loi spécifique sur l’origine des ressources couvrant la subvention.

Cette proposition faisait déjà partie du texte initial adressé au Congrès par l’ancien président Lula. Mais elle a été supprimée du texte lors de sa promulgation par Dilma – alors chef de la Casa Civil [2], responsable de la mise en forme de tous les projets du gouvernement fédéral - à la demande du Ministre de l’Economie, Guido Mantega – lequel occupait déjà ce fauteuil en 2007 et avait alors co-signé le projet de loi avec le Ministre des Villes de l’époque, Márcio Fortes.


Notes des traducteurs :

[1] A São Paulo les voitures sont autorisées à circuler un jour sur deux, en fonction du dernier chiffre de la plaque d’immatriculation.

[2] Chefe da Casa Civil : fonction ministérielle se rapprochant de celle d’un Premier Ministre en France.


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