Maré : vie sous l’occupation

 | Par Lia Imanishi Rodrigues

Source : Outras Palavras, le 17/07/2014

Traduction pour Autres Brésils : Piera SIMON-CHAIX (Relecture : Roger GUILLOUX)

Médias libres, théâtre populaire, associations, manifestations. Comment la plus grande favela carioca résiste au crime organisé et à cinq mois de violence du Bope [1] et de l’armée.

29 mars. L’armée entre dans le complexe de Maré

Le complexe de la Maré est un ensemble de seize communautés d’habitants constitué de ruelles, d’impasses et de constructions entassées les unes sur les autres, à l’infrastructure et l’apparence précaires, qui ont été érigées au milieu de petites îles et de mangrove sur les bords de la baie de Guanabara, dans la capitale de l’Etat de Rio de Janeiro, à partir des années 1940. Des familles expulsées par des projets d’urbanisme et d’infrastructure dans le centre de la ville, ont commencé à y construire des maisons sur pilotis et y vivaient, principalement de la pêche, au gré des marées. La région a été lentement remblayée avec les rejets des travaux de la population voisine et les gravas transportés par des camions du service publique. Aujourd’hui, la Maré abrite près de 130.000 personnes et est considérée comme étant le plus grand complexe de favelas de Rio. C’est également l’une des zones les plus pauvres de la ville. En 2010, l’Indice de Développement Humain (IDH) de la région était classé 123ème sur les 126 zones administrées par Rio.

La Maré est proche des trois principales voies rapides de Rio : l’avenida Brasil, la Linha Amarela et la Linha Vermelha, itinéraires obligatoires pour se rendre à l’aéroport international Tom Jobim, à São Paulo ou dans les zones nord, ouest et sud de la ville.
Comme elles sont toujours embouteillées, les habitants de Maré ont de sérieux problèmes de mobilité, en plus de respirer l’air le plus pollué de la ville.

À la mi-février, des policiers militaires et des unités de la Police Pacificatrice de l’État ont commencé à être attaqués à la grenade et avec d’autres armes. Les forces de sécurité ont considéré que l’attaque avait été commandée par des bandits de la faction Comando Vermelho [2], liée au trafic de drogues et basée, entre autres lieux, sur deux communautés de la Maré. Au nom de la sécurité durant la tenue de la Coupe du Monde, le gouverneur Sérgio Cabral a formellement demandé – et la présidente Dilma Rousseff a autorisé – l’occupation de la Maré par les Forces Armées jusqu’à la fin juillet, après la fin de la Coupe quand, théoriquement, les Unités de Police Pacificatrice seront déjà implantées dans la région.

Lors d’une activité préparatoire à l’occupation militaire, dans la nuit du 21 mars, 120 hommes du Bataillon des Opérations Spéciales de la Police (Bope), de la Police Militaire ont envahi Nova Holanda et Parque União, les deux communautés de Maré citées, à la recherche des trafiquants et de leurs armes. Les policiers ont appréhendé sept kilos de marijuana, trois de cocaïne, un fusil, deux chargeurs et une grenade.

Militaires dans la Baixa do Sapateiro. Photo : Naldinho Lourenço

L’occupation s’est déroulée sans incident. Quelques jours plus tard, selon le journal communautaire Maré de Notícias, cinq jeunes âgés de 19 à 22 ans ont été arrêtés par des policiers, battus et torturés psychologiquement. ʺJ’ai pensé que j’allais mourirʺ, a déclaré l’un d’entre eux au journal. Il a raconté que les agresseurs étaient deux policiers qui ont fait irruption dans le lieu où ils étaient – une pièce et une salle de bain – en tirant en l’air. Les cinq jeunes ont été agressés. Les policiers voulaient trouver des armes ou de la drogue, mais n’ont trouvé ni l’un ni l’autre. Ils les ont alors tous enfermés dans la salle de bain et ont dit qu’ils allaient faire exploser le lieu. Finalement, après une heure et demie de menaces, les cinq jeunes ont été laissés enfermés avec l’ordre de ne pas sortir, sous peine de mort. L’un d’entre eux est parvenu à envoyer un sms à sa femme. Elle les a localisés et est entrée dans la maison. Les policiers l’ont interceptée et renvoyée. Vers 19h, elle est revenue ; les Policiers Militaires étaient partis et elle est parvenue à libérer son mari et ses amis. Selon les voisins, les Policiers Militaires ne sont pas sortis par la porte de devant. Ils sont probablement allés dans une autre résidence, en sautant de toit en toit.

Le Maré das Notícias est un mensuel, produit, imprimé et distribué à la Maré par une équipe formée de six journalistes et stagiaires et un designer graphique, tous nés à la Maré ou dans des quartiers périphériques. Le journal est réalisé en partenariat avec l’Observatório de Favelaset a son siège au même endroit que l’organisation non gouvernementale Redes de Desenvolvimento da Maré (Réseaux de Développement de la Maré) . Plusieurs habitants ont fait appel au journal pour faire état des violences ayant eu lieu durant l’occupation militaire, la plus grande partie concernant l’invasion de domiciles sans mandat judiciaire.

Les cinq jeunes interpelés le 26 mars vont bien, selon le Maré de Notícias. On ne peut pas en dire autant d’Alexandre, un garçon de 18 ans dont le nom de famille n’a pas encore été révélé, qui aurait été tué par le Bope le lendemain matin, un jeudi. Selon le Maré, entre huit et neuf heures du matin, quatre policiers du Bope ont abordé deux jeunes qui se trouvaient sur une place de la rue João Araújo, dans le Parque Rubens Vaz, une autre communauté de la Maré. L’un des jeunes aurait été relâché. L’autre, Alexandre, a été emmené par les policiers jusqu’à sa propre maison, située dans la même rue et là, ils ont fouillé sa chambre. Il a ensuite été emmené dans une impasse proche. Juste après, selon ce que des habitants ont raconté au Maré, quatre coups de feu ont été entendus. Les Policiers Militaires ont ensuite interdit l’accès au lieu. Quelque temps plus tard, d’autres policiers sont arrivés dans une voiture de la Police Civile. Ils sont restés dans la maison d’Alexandre jusqu’à 13h30 et en sont sortis avec un sac noir, où les voisins pensent que se trouvait le corps du jeune homme. De nouveau selon le Maré, lorsque le Bope est parti, une bonne partie des traces du crime avaient été effacées. Le bureau de communication de la Police Militaire a annoncé que le jeune homme a été secouru à l’Hôpital Général de Bonsucesso et que des recherches ont été effectuées là où il aurait été assassiné. La Police Militaire a également annoncé que la 21ème délégation de la Police effectue une enquête sur la détention, par le jeune homme, d’une arme de calibre 40.

Le jour même de la mort d’Alexandre, des dirigeants de l’association des habitants et des représentants d’ONG actives dans le quartier ont fait appel au commandant de la Police Militaire pour se plaindre. Le lieutenant-colonel Rodrigo Sanglard, du Commando des Opérations Spéciales, a incité les habitants à dénoncer la mort d’Alexandre et d’autres abus supposés. ʺOn n’entre [dans une maison] qu’avec un mandat ou une autorisation de l’habitant », a affirmé Sanglard. « Sinon, c’est un abus d’autorité."

Le Bope est déjà en action dans la région depuis le 21 mars

Au lever du jour du dimanche suivant, le 30 mars, 1.180 hommes des polices Civile et Militaire et 250 fusiliers navals, avec 21 blindés de la Marine du Brésil et quatre hélicoptères – l’un d’entre eux appelé Caveirão do Ar [4], également blindé – ont occupé la Maré afin d’appuyer l’installation de la 39ème Unité de Police Pacificatrice de l’État. Ce fut une opération rapide, sans échange de tir. Le samedi suivant, 5 avril, un nouveau groupe, composé de 2.050 militaires de la Brigade d’Infanterie Paramilitaire de l’Armée, est entré dans la Maré afin de remplacer les policiers civils et 200 fusiliers navals se sont joints aux 250 déjà en place. Les militaires ont déclaré disposer du pouvoir de police, pouvant faire des prisonniers. Selon eux, une cartographie de la zone allait être réalisée, et les recherches se concentreraient dans les alentours des maisons utilisées par les trafiquants.

Un peu avant l’aube du 5 avril, lorsque les militaires sont arrivés, il y avait encore beaucoup de gens dans les rues et on entendait de la musique forte. Les militaires ont changé cette atmosphère. Ils ont commencé à fouiller les gens et à demander les papiers des conducteurs de voiture qui passaient. Vers 6 heures du matin, des blindés des Forces Armées se sont positionnés aux sorties du complexe. Lorsque le jour s’est levé, Gustavo Augusto, de 18 ans, a été, selon la Police Militaire, trouvé mort dans l’une des voies d’accès au complexe des favelas. Plus tard, dans l’après-midi, Vinícius Guimarães, 15 ans, est mort criblé de balles au milieu d’une bataille de jet de pierres qui s’était déclenchée entre près de 60 jeunes des communautés de Nova Holanda et de la Baixa do Sapateiro.

Les Forces Armées assument l’occupation, avec 2 700 hommes, soit disant jusqu’au 31 juillet.

L’occupation de la Maré présente des difficultés pour l’armée. Fernando Montenegro, le colonel de réserve qui a filmé la mission d’occupation du complexe de l’Alemão, a déclaré au journal Folha de São Paulo que là, les troupes ont été installées dans les téléphériques, dans les réservoirs d’eau [qui se trouvent sur les toits – NdT] et dans les maisons abandonnées des trafiquants situés au sommet des buttes. ʺNous avions une vision plongeante du terrain, ce qui nous donnait un avantage. Dans la Maré, la zone est plate. Si les troupes ne font que se déplacer dans les impasses, sans occuper les toits, les troupes vont se retrouver à la merci des attaques." Pour Montenegro, la troupe de parachutistes est l’une des meilleures de l’armée, mais la tâche est difficile.

Selon un relevé effectué par le Secrétariat de Sécurité (Secretaria de Segurança – Seseg) de l’État relatif aux 15 jours des opérations ayant précédé l’occupation militaire de début, la Police Militaire avait déjà tué seize personnes et blessé huit autres dans le complexe de la Maré, soi-disant lors de trente-six confrontations avec des suspects. 101 armes, 2.252 munitions et une quantité non divulguée de drogues illicites ont été appréhendées.

Polices Fédérale, Militaire, Civile et la Marine participent à l’occupation du Complexe de la Maré

Alexandre Fontenelle, colonel de la Police Militaire en charge du Commando des Opérations Spéciales, a affirmé au cours d’une interview collective qu’une seule confrontation avec mort d’homme avait eu lieu, celle du Parque Vaz, épisode durant lequel a probablement eu lieu la mort d’Alexandre. ʺLe reste eu lieu lors de conflits ponctuelsʺ, pour lesquels Fontenelle donne une explication simple : ʺLes faits enregistrées font partie du processus de pré-pacificationʺ.

Le 6 mai, Luiz Eduardo Soares, ex-secrétaire national de la Sécurité Publique, a participé à l’événement ʺDialogues nécessaires – Séminaire sur la sécurité publique dans les favelasʺ réalisé dans la Maré. Juliana Barroso, représentante de la Seseg, Alexandre Ciconello, d’Amnistie Internationale Brésil, et Jailson Silva, de l’Observatoire des Favelas, étaient également présents. Au cours de la rencontre, des habitants ont relaté des cas de violations des droits et d’abus de la part des forces de police.

Juliana a dit qu’elle était engagée dans l’implantation d’une Unité de Police Pacificatrice avec plus de participation des habitants. Elle a cependant admis que le processus comporte des failles et qu’il est nécessaire de renforcer les disciplines des Droits de l’Homme dans les formations des policiers.

De son côté, Soares a fortement critiqué l’occupation militaire de la Maré. D’après lui, l’action ne se justifie pas : ʺl’État a été incapable de résoudre les problèmes de sécurité et a dû avoir recours à un expédient externe absolument artificiel et provisoire."

Soldat des Forces Armées, qui occupent les favelas du complexes de la Maré

En mai, policiers et militaires ont continué à promouvoir des opérations en différents points de la Maré. Plusieurs de ces opérations ont provoqué la fermeture de quatre écoles municipales. Lors de l’une d’entre elles, celle du 16 avril, vers la mi-journée, le Caveirão do Ar a survolé la zone occupée par un groupe d’élèves qui sortaient de l’école municipale Nova Holanda. Des coups de feu ont été entendus, lesquels, selon les marques laissées sur le sol de l’une des rues, paraissent avoir été tirés depuis l’hélicoptère.

La Maré a déjà vécu des histoires tragiques impliquant des étudiants : en mai 2011, un élève, Gustavo Capanema a été tué à l’intérieur du CIEP [5] ; en août de l’an dernier, un homme a été tué à l’intérieur du CIEP Samora Machel. Les salles de l’administration du CIEP Samora sont pleines de traces de balles et le climat entre les professionnels est d’un sentiment d’insécurité. Le Maré de Notícias en a entendu quelques-uns : ʺGéographiquement, nous sommes entre deux groupes rivaux. En plus des affrontements à l’extérieur, très souvent des groupes armés sautent le mur de l’école, qui est devenu une voie permettant de fuir la police. Aujourd’hui, le mur n’est pas un obstacle, les cadenas sont forcés, il n’y a pas de respect de la zone scolaireʺ, raconte l’un d’entre eux. ʺL’inexplicable est que le poste de santé Samora Machel, qui fonctionne dans le même immeuble que le collège, est fermé [depuis le 8 avril]. Autrement dit, pour le secrétariat municipal de la Santé, les fonctionnaires ne sont pas en condition de travailler. C’est de l’incohérenceʺ, critique un autre.

Le Bope occupe le complexe de la Maré

Il y en a qui disent que huit professeurs et 20 élèves ont déjà demandé leur transfert cette année : ʺLes enfants sont déjà traumatisés. Lorsqu’il y a des coups de feu, ils se jettent au sol. Ici, tous les jours sont marqués par cette tension. Le fonctionnaire du Secrétariat municipal à l’Éducation vient de passer un examen et ne veut pas revenir. Nous, nous sommes ici tous les jours. Nous détaillons nos problèmes dans nos rapports, mais il n’y a pas de réponsesʺ.

Les incursions policières ont également affecté le fonctionnement des crèches, des postes de santé et du commerce de la Maré. Certains habitants évitent de sortir la nuit. ʺLe vendredi, j’aimais bien aller boire une bière, discuter un brin. Maintenant je rentre directement à la maisonʺ, raconte l’un d’entre eux. ʺMaintenant, ça a changé, j’ai peur. Le samedi 6 avril, ça a été presque une heure de fusillade. On était en train de jouer au foot et on a dû courir dans les vestiaires." ʺJ’étais dans la rue Teixeira Ribeiro, où il y a marché le samedi, et c’est plein de monde. Les policiers ont fait irruption en tirant en l’air, dégainant au moment où le marché battait son plein. Il devait être autour de 10h40ʺ, raconte un autre habitant.

Une fois par mois, depuis 2010, les présidents des associations d’habitants locaux se réunissent au sein du collectif ʺLa Maré que nous voulonsʺ pour débattre des politiques publiques qui pourraient générer des changements structuraux et améliorer la qualité de vie dans les communautés. Le 18 avril, au début de l’une de ces réunions, réalisée à Nova Holanda, dix leaders communautaires ont été surpris par la nouvelle qu’un blindé des forces de police se trouvait dans le CIEP Operário Vicente Mariano. Ils se sont adressés au le lieutenant-colonel Sanglard afin d’obtenir des explications. L’un des représentants du groupe a dit au policier que la façon dont les opérations de police se déroulaient, provoquait un renversement des valeurs : ʺAu lieu de se sentir en sécurité avec la police, la communauté en a peurʺ. Le blindé avait occupé le patio de l’école de 8h30 à 10h30. Les cours avaient déjà été suspendus, en raison d’autres opérations de police dans la zone. Informé de l’incident et de l’impact des actions sur le fonctionnement des écoles, des crèches et des postes de santé, Sanglard s’est engagé à faire remonter le problème auprès du commandement de la Police Militaire.

Les membres de la communauté s’organisent en assemblée.

ʺLa population ne peut pas voir l’armée comme un ennemiʺ, a affirmé Ronaldo Lundgreen, général de brigade et l’un des officiers responsable de l’occupation de la Maré lors d’une conférence réalisée par le Ministère Public Militaire. Selon lui, les militaires ont été entraînés lors d’une formation s’appuyant sur le rapport de 600 pages de l’Opération Arcanjo, l’intervention de 19 mois de l’armée dans le complexe de l’Alemão. Les soldats auraient appris à patrouiller dans les rues, à se retrouver face à des citoyens normaux allant et venant, à l’école ou au travail. ʺLe soldat n’a pas un ennemi en face de lui. Il a un citoyen, un enfant. Parfois, un bandit. C’est à ce moment-là que nous devons être le plus prudent." Ronaldo a conclu en disant : ʺNous ne devons pas oublier que notre armée comprend des militaires qui habitent l’Alemão et la Maré. Cela permet qu’on se sente faire partie de la communautéʺ.

Les Forces Armées ont, il est vrai, parmi leurs contingents, des habitants des favelas. Un exemple notable, quoique mauvais, est celui de Marcelo Santos das Dores, connu sous le nom de Menor P, l’un des grands chefs du trafic de la Maré, lié au Terceiro Comando Puro. Arrêté en mars, Menor P a fait partie de la Brigade de l’Infanterie Paramilitaire, l’unité d’élite de l’armée qui a occupé la Maré. Il donnait un entraînement militaire à ses hommes et avait l’habitude de torturer les déserteurs. Menor P fait l’objet d’une enquête suite à la mort du garde municipal William Oliveira, dont le corps aurait été brûlé et qui est porté disparu. Oliveira serait un informateur des services secrets de l’armée, il surveillait les mouvements les bandits et faisant des enregistrements vidéos. La Police Fédérale affirme également que l’armurier de la bande de Menor P est un ex-fusilier naval, un autre des forces d’élite qui occupe le complexe. Quatre jours après l’arrestation de Menor P, huit membres de sa bande ont été faits prisonniers, parmi lesquels un policier militaire, un ancien agent pénitentiaire et un instructeur de tir. L’enquête qui a conduit à l’arrestation des bandits a duré un an. Selon la Police Fédérale, Menor P pouvait dépenser jusqu’à 500 000 réaux [environ 165.000 euros] par mois avec l’argent en provenance de policiers corrompus. Dans une note, suite de l’emprisonnement d’une partie de la bande armée du trafiquant, estimée à 200 hommes, la Seseg a affirmé que ʺla corruption policière n’est pas tolérée et le combat de ce crime a déjà donné lieu à l’expulsion de 1.640 policiers militaires et civils au cours de la gestion actuelleʺ.

Ayant d’un côté les bandits, certains d’entre eux entraînés par les Forces Armées, comme nous l’avons vu, et, de l’autre, l’armée et la police, les habitants de la Maré tentent de s’organiser. Dans deux communautés, Parque União et Nova Holanda, ils luttent pour annuler un mandat de recherche collective, qui autorise l’invasion de toute maison dans la zone, expédié par la Justice et appuyé sur une enquête de la délégation du combat des drogues. Eliana Souza, directrice de Redes de Desenvolvimento da Maré [Réseaux de Développement de la Maré], travaille depuis 2012 avec les habitants du complexe, clarifiant leurs droits et devoirs Cette année-là, dans le cadre d’une action conjointe avec l’Observatoire des Favelas et Amnistie Internationale, la campagne ʺNous sommes de la Maré, nous avons des droitsʺ a été lancée. Près de 50.000 brochures indiquant comment réagir en cas d’abordage par la police ont été distribuées. Des rubans adhésifs ont également été distribués pour être collés sur les portes des maisons où il était écrit : ʺNous connaissons nos droits ! N’entrez pas dans cette maison sans respecter la légalité de cette actionʺ. Actuellement, trois équipes de Redes vont de porte en porte pour renouveler la distribution de ce matériel. Des journalistes et des photographes professionnels, liés à des institutions partenaires de Réseaux, circulent également dans le complexe, afin de documenter les opérations de la police et de l’armée depuis le début de l’opération militaire. ʺNous n’assisterons pas de manière passive à l’action des forces de sécuritéʺ, affirme Eliana. ʺElles doivent représenter l’arrivée effective d’une perspective de présence républicaine de l’État, et non pas fonctionner comme une “armée d’occupation” ".

Connexion G, première Gay Pride LGBT organisée à l’intérieur d’une favela, est l’un des exemples de l’organisation de la société civile à l’intérieur du complexe.

Silvia Noronha, chercheuse à la Fondation Getúlio Vargas (FVG), considère que les Unités de Police Pacificatrice ne s’appuient pas sur des principes démocratiques ni ne promeuvent l’autonomie de la population des zones populaires. ʺLa démocratie implique la possibilité, pour les citoyens, de participer aux décisions des politiques publiques. Les Unités de Police Pacificatrice organisent une série de forums auxquels la population est convoquée, mais seulement pour que elle soit mise au courant d’évacuations et d’autres décisions qui ont déjà été prises."

Notes de la traduction :
[1] Bope  : Batalhão de Operações Policiais Especiais [Bataillon des Opérations Spéciales de Police] est le groupe d’intervention d’élite de la police militaire de l’état de Rio de Janeiro. Ces bataillons jouent un rôle important dans le combat contre les narcotrafiquants et dans l’occupation des favelas. La violence de leurs actions a été dénoncée par de nombreuses entités nationales et internationales.
[2] Le Comando Vermelho Rogério Lemgruber (CV ou CVRL) est l’une des plus grandes organisations criminelles du Brésil. Elle est la rivale d’autres organisations criminelles, comme Amigos dos Amigos ou le Terceiro Comando Puro, dont il sera question plus bas
[3] Le journal est disponible en ligne en version pdf
[4] ʺGrand crâne des airsʺ : les tanks utilisés au sol ont la forme d’un crâne. De plus, l’emblème des soldats du Bope est un crâne sur fond noir, transpercé d’un poignard et derrière lequel s’entrecroise deux pistolets.
[5] Centres Intégrés d’Éducation Publique, mis en place à l’initiative de l’anthropologue Darcy Ribeiro et grâce au soutien du gouverneur de Rio de Janeiro Leonel Brizola (1983-1987 et 1991-1994), ayant pour objectif de fournir un enseignement public de qualité, ouvert culturellement, et tourné vers les enfants défavorisés. L’architecte Oscar Niemeyer fut chargé de la conception des projets architectoniques, et environ 500 unités ont été édifiées. Le projet a cependant été abandonné par les gouverneurs suivants.

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