Un honnête portrait de notre culture : Susanna Lira parle du film « Damas do samba »

 | Par Chaka V. Reid

Source : Sounds and colors- 24/11/2014

Traduction pour Autres Brésils  : Caroline SORDIA

« Sans femmes, il n’y a pas de samba. Il s’agit ici de sacré, pas de philosophie (…). C’est l’essence même de la vie ».
Mariene de Castro

(...)

Le film de Susanna Lira, « Damas do Samba » [Les dames de la samba], retrace la riche histoire multifacette et méconnue des femmes noires dans la samba.

Bien que la samba, née au Brésil de racines africaines, fasse partie de nos traditions les plus importantes et les plus célébrées, l’importance du rôle joué par les femmes noires - dans l’Histoire et jusqu’aujourd’hui - a rarement été reconnue, et a été le plus souvent négligée. Jusqu’à ce jour !

Susanna Lira va au-delà des sublimes beautés à la peau sombre auxquelles on réduit souvent la samba, et montre au contraire le rôle central tenu par ces femmes révolutionnaires, en tant que chanteuses, danseuses, activistes et créatrices innovantes.

De ses débuts clandestins à sa fonction sociale, celle d’offrir un soutien aux Noirs brésiliens, de son ascension flamboyante dans le pays à son rayonnement à travers le monde, le film permet aux spectateurs de mieux comprendre ses racines spirituelles, matriarcales et glamour. Aujourd’hui, la samba demeure complexe, inventive et compétitive. C’est ce qui fait de « Dames de la samba » un film fascinant et important.

Dans cette interview effectuée pour Sounds & colours, la réalisatrice Susanna Lira nous raconte comment ce film a changé sa vie.

Sounds and Colours : Pour commencer, pouvez-vous nous décrire votre propre lien à la samba ?

Susanna Lira : Je n’avais que peu ou pas de lien avec cette musique avant de faire ce film. Je viens de Rio et depuis mon enfance, je baigne dans la culture de la samba, mais ce projet m’a fait vivre de merveilleuses expériences en tant que réalisatrice. J’ai participé à la parade du Sambodrome pour la première fois de ma vie, et j’ai aussi pu rencontrer des figures de légende du carnaval de Rio. Après ce film, j’ai l’impression de faire partie de cette culture avec une forte identité inscrite dans ce genre de musique.

S&C : Quand vous est venue l’idée de ce flm ? Et pourquoi vous être focalisée sur les seules femmes dans la samba ?

Susanna Lira : Le corps féminin a toujours été l’image la plus importante dans la samba. La figure de la « mulata » ou jeune métisse est le symbole du carnaval de Rio, et c’est précisément à travers elle que cette culture est vendue à travers le monde. Le fait que nous ne sachions presque rien des autres personnages féminins, pourtant aussi indispensables que la mulata, me posait vraiment problème. Comme il est dit dans le film, la samba ne peut continuer que pour et par des femmes, et c’est ce qui se produit. C’est pour cela que je ne voulais mettre que des femmes dans ce documentaire ; en quelque sorte, il s’agissait de leur rendre l’attention médiatique à laquelle elles n’avaient jamais eu droit.

S&C : Combien de temps la réalisation du documentaire vous a-t-elle pris ? Comment décririez-vous cette expérience ?

Susanna Lira : Nous avons filmé sur trois ans car je concentrais les prises sur la saison du Carnaval, époque où la samba est partout. Ce fut une expérience très forte. Lorsque je suis entrée pour la première fois dans le Sambodrome, j’ai ressenti toutes les émotions, la passion et la ferveur partagées par des milliers de personnes pour la samba de Rio.

S&C : La samba a d’abord été bannie au Brésil. Pourquoi était-elle vue comme une menace ?

Susanna Lira : La samba était perçue comme une menace parce que ses racines viennent de la culture noire africaine, et précisément des vêtements et percussions issus de religions africaines. Au début du siècle dernier, à Rio, tous les rituels liés de près ou de loin à ces religions faisaient l’objet de persécutions et d’interdiction.

S&C : La samba est beaucoup plus qu’une danse – c’est une culture. Pour ceux qui ne sont pas familiers au monde complexe de la samba, pourriez-vous rapidement esquisser les grandes lignes qui structurent cette culture, et que vous détaillez dans le film – pastoras, écoles, etc. ?

Susanna Lira : La samba est beaucoup plus qu’un genre musical. C’est une culture extrêmement diversifiée qui mêle la religion, la musique, la danse, les vêtements et une manière très spécifique de gérer l’ensemble de ces activités. Dans ce film, j’ai essayé de montrer les principaux aspects de cette culture du point de vue des femmes, sans négliger les détails qui font toute sa richesse.

S&C : L’un des constats les plus marquants du film a été, pour moi, de voir à quel point ces dames de la samba, quelle que soit la branche, étaient puissantes, ainsi que la force de la dimension intergénérationnelle – les anciennes dames de la samba transmettant leurs traditions aux plus jeunes. En tant que réalisatrice, quel est l’élément qui vous a le plus marquée ?

Susanna Lira : La samba est le patrimoine culturel des Brésiliens, et une industrie qui génère des millions de réais, crée des milliers d’emplois et permet chaque année de renforcer la culture noire dans cette ville. Culturellement parlant, c’est un phénomène très puissant, surtout parce qu’elle touche tant de générations, ne cesse de se renouveler et de croître chaque année.

S&C : La samba est-elle toujours une forme d’art révolutionnaire et actuelle ? Si oui, pourquoi ?

Susanna Lira : La samba est notre principal genre musical, et de plus, elle est très liée à nos origines nationales métissées. Chaque année, les compositions sont plus élaborées, les thèmes des écoles de samba plus complexes, chaque année elle attire plus de public. C’est un espace de représentation pour les classes les plus pauvres et défavorisées, où les difficultés, les problèmes sociaux et les joies peuvent être mis en scène d’une manière créative et révolutionnaire.

S&C : Qu’est-ce que cela vous a fait de pouvoir rendre hommage à ces grandes dames de la samba – d’hier et d’aujourd’hui – à travers votre film ? Et quelle a été la réception du documentaire à sa sortie au Brésil ?

Susanna Lira : La première du film a eu lieu lors du Festival international du Film de Rio et nous avons reçu un prix avec mention honorable. Le documentaire a été très bien reçu dans différents festivals à travers le monde. Nous espérons que la sortie en salles coïncidera avec le carnaval 2015 et j’espère que le film plaira au public !

S&C : Le film dégage quelque chose de très beau et de particulier ; qu’aimeriez-vous que les spectateurs en retiennent ?

Susanna Lira : J’espère que le public sera de votre avis. Nous avons mis beaucoup de soin, de travail et de cœur à l’ouvrage. J’espère que le public brésilien se reconnaîtra à l’écran, car c’est, je crois, un portrait très honnête de notre culture.

Autres Brésils organise la projection du film Damas do samba de Susanna Lira, le 12/02/2015 au cinéma La Clef. Plus d’infos

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