Transcription de l’intervention de Jorge Eduardo Durão lors de « Brésil en Mouvements »

 | Par Jorge Eduardo Durão

Transcription de l’intervention de Jorge Eduardo Durão (Directeur général de l’ABONG) lors de « Brésil en Mouvements » - 10 juillet 2005 - Paris. « Je pense que nous sommes une fois de plus face à une de ces tragédies politiques qui s’abattent de temps en temps sur l’Amérique latine. »

UNE DE CES TRAGEDIES POLITIQUES QUI S’ABATTENT DE TEMPS EN TEMPS SUR L’AMERIQUE LATINE

<img1278|left> Après avoir entendu parler Frei Betto des expériences latino américaines et des illusions de certains, je pense que nous sommes une fois de plus face à une de ces tragédies politiques qui s’abattent de temps en temps sur l’Amérique Latine. Peut être n’avons-nous pas encore la distance, la perspective suffisante pour réaliser ce qui se passe aujourd’hui au Brésil mais il me parait important de rappeler que l’élection de Lula est le résultat d’un processus de plus de 20 ans d’accumulation de forces par les mouvements sociaux au Brésil. La difficulté est de prendre en compte la relation entre l’économique et la politique d’une manière qui ne soit pas statique. Je ne trouve pas que le gouvernement Lula ait adopté une voie qui serait la conséquence de l’accumulation de ces forces.

Dire que Lula est arrivé au gouvernement mais pas au pouvoir et ne pas montrer le chemin pour modifier cette situation est à mon avis une voie qui mène inévitablement à la frustration. Nous sommes face à une situation où les options faites par le gouvernement Lula influent directement sur les mouvements sociaux. Les choses ne sont pas figées. Lula a choisi de maintenir une politique qui favorise le capital financier, pour cela il a établi une alliance avec l’agrobusiness, cette alliance a des conséquences concrètes dans les territoires ; c’est l’expansion de l’agrobusiness en Amazonie, c’est l’accélération du processus de désappropriation des travailleurs qui vivent dans ces régions. Les réformes menées par le gouvernement Lula sont selon moi des réformes clairement antipopulaires.

UN DILEMME POUR LES MOUVEMENTS SOCIAUX

Par ailleurs le gouvernement Lula pose de grands dilemmes aux mouvements sociaux et organisations populaires de la société civile. C’est un gouvernement, il faut le reconnaître, qui a ouvert de nouveaux espaces pour la participation des organisations de la société civile organisée et en même temps a créé un énorme sentiment de vide, d’impuissance, puisque cette participation ne peut pas toucher le cœur de cette politique antipopulaire. Il y a beaucoup d’espaces de participation mais la politique économique est blindée, la participation ne peut pas atteindre les éléments clés de la politique. De plus en plus il y a une usure de la société face à l’espoir de changement et c’est exactement à ce moment là qu’émergent les contradictions pour le gouvernement Lula d’obtenir l’appui de certaines forces de droite et de centre droit.

C’est un paradoxe : apparemment il faut payer la droite pour qu’elle fasse une politique de droite. Entre ce montage politique artificiel, les représentations organiques des intérêts dominants, je suis d’accord pour dire qu’à la première occasion, ils feront tout pour déstabiliser le gouvernement Lula et l’écarter. Mais malheureusement il faut reconnaître que le gouvernement Lula n’est pas en train d’être usé par une opération de la droite, il paye le prix de ses contradictions inhérentes à l’action de certains secteurs du PT.

Il y a eu un débat entre ONG et mouvements sociaux au sujet du coup d’Etat qui serait en train d’avoir lieu. Si l’on fait un effort pour être objectif, il faut reconnaître que ces faits qui ont une incidence très négative sur le gouvernement apparaissent à travers le fonctionnement normal des institutions démocratiques, c’est une conquête importante de la société brésilienne que les institutions démocratiques fonctionnent et que des scandales, d’où qu’ils viennent, soient dénoncés.

Un dernier élément que j’aimerais souligner pour notre réflexion, en faisant le même effort pour être objectif. Je constate que les principaux mouvements sociaux, les syndicats, le MST continuent à croire en ce projet de changement exprimé par le gouvernement Lula, ce qui pourra, en fonction du dénouement de la crise, avoir des conséquences dramatiques pour de longues années au sein des mouvements sociaux. A ce moment précis, il est très difficile de comparer l’expérience chilienne de Salvador Allende avec la situation brésilienne actuelle. Par exemple, il y a eu certainement une défaite dans le cas chilien et il peut y avoir une défaite de la volonté de changement au Brésil mais ce n’est qu’avec la distance historique qu’on pourra évaluer dans le futur laquelle des deux défaites, s’il y a effectivement défaite au Brésil, aura eu les effets négatifs les plus profonds.

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