Pourquoi nous marchons jusqu’à Brasilia (2)

Ceci sera le second motif de notre marche. Nous savons que la réalisation de la réforme agraire n’est pas qu’une question de volonté politique ou d’engagement personnel du président. Elle dépend de la politique économique. Elle dépend d’un projet national de développement. Et nous marcherons, alors, pour aller à Brasilia dire au gouvernement de changer sa politique économique, s’il veut viabiliser la réforme agraire et résoudre les problèmes du peuple.

Nous savons tous que l’actuelle politique économique est la continuité de la politique néo-libérale du gouvernement précédent. Les mandataires du ministère des Finances et de la Banque centrale sont les mêmes tucanos* d’il y a huit ans. Cette politique qui se base sur la priorité de l’excédent primaire, sur des taux d’intérêt élevés et sur la stimulation des exportations n’a pour résultat que des bénéfices fantastiques pour les banques et les transnationales, une concentration du revenu et une augmentation du chômage. Il suffit de lire les journaux, pas besoin d’être un économiste pour en comprendre la nature.

Nous allons à Brasilia dire qu’il est temps d’utiliser les 60 milliards de réais de l’excédent primaire dans des investissements qui garantissent un emploi pour tous, dans l’éducation, dans l’université publique et dans la santé publique. Nous allons dire que, s’ils veulent tant imiter les Etats-Unis, ils doivent adopter leur taux d’intérêt, qui n’est que de 2,5%, et non de 19% comme ici. Nous allons à Brasilia dire que notre peuple mérite un salaire minimum digne. Des économies plus pauvres et plus petites comme l’Argentine et le Paraguay paient des salaires minimums autour de 500 réais. Pourquoi l’économie brésilienne ne peut-elle pas payer des salaires semblables ? Tous les médias des élites, tous les chefs d’entreprises disent hypocritement défendre la redistribution du revenu, mais l’augmentation du salaire minimum est la mesure la plus efficace pour redistribuer le revenu. Pourquoi ne l’acceptent-ils pas ? Nous allons à Brasilia défendre l’idée que notre peuple ne se libèrera de la pauvreté et de l’inégalité sociale que si le gouvernement donne la priorité à la majorité de fait, et garantit que tout jeune ait accès à l’université publique et gratuite. De nouveau, les élites acceptent la thèse selon laquelle l’éducation doit être une priorité, mais ils n’acceptent pas que le gouvernement cesse de payer les dettes interne et externe pour investir dans l’éducation.

Nous allons à Brasilia défendre l’idée qu’il faut un audit de la dette externe, pour que le peuple sache ce qui a déjà été payé, et ce que nous continuons à payer inutilement. Alors que notre peuple envoie chaque année des richesses pour plus de 50 milliards de dollars vers l’extérieur, notre élite garde 85 milliards de dollars déposés sur des comptes à l’étranger. La Constitution brésilienne permet la réalisation d’un audit de la dette externe. Mais dans ce cas précis, personne n’exige le respect de la Constitution !

Nous allons à Brasilia dire au Congrès national qu’il est temps de réglementer le droit au plébiscite populaire, aux consultations et aux referendums, prévus dans la Constitution et jusqu’à présent non réglementés. Le peuple a besoin d’avoir le droit d’exercer son mandat. Les députés ne peuvent pas usurper le droit du peuple de décider. C’est pourquoi nous approuvons le projet de loi élaboré par l’OAB (Organisation des Avocats Brésiliens) et la CNBB (Conférence Nationale des Evêques du Brésil), actuellement entre les mains de la Chambre des députés, qui réglemente le droit du peuple à réaliser un plébiscite populaire, pour décider sur toutes les questions qu’il estimera nécessaires.

Nous allons à Brasilia défendre la démocratisation des médias de masse. Pour que le gouvernement cesse de fermer les radios communautaires. Il n’y aura pas de démocratie sans que le peuple et ses formes d’organisation sociale aient le droit à l’information. Et pour ce faire, les radios, les télévisions communautaires sont fondamentales, tout comme la démocratisation des concessions publiques de télévision.

Nous allons à Brasilia dire que nous sommes contre l’accord de la ZLEA (Zone de Libre Echange des Amériques), et demander au gouvernement de retirer nos soldats d’Haïti. Le peuple d’Haïti doit être souverain, pour décider lui-même de son avenir. Le peuple d’Haïti a besoin de notre aide humanitaire, pas de nos soldats.

Et pour dire tout cela à Brasilia, nous espérons compter sur votre participation à tous. Le 17 mai, nous arriverons à Brasilia et nous réaliserons une grande manifestation pour remettre nos exigences aux trois pouvoirs.

Par João Pedro Stedile, dirigeant du MST et de Via Campesina Brésil.

* Tucanos : surnom donné aux membres du PSDB, de l’ancien gouvernement de Fernando Henrique Cardoso

Traduction : Isabelle Dos Reis pour Frères des Hommes (www.fdh.org) et RISAL (http://risal.collectifs.net/), légèrement modifiée par G. da Costa

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