Positions politiques du MST dans la conjoncture actuelle (2)

4. Au sujet du PT et des gauches

Le MST maintiendra sa ligne politique historique : il est autonome, tant par rapport aux partis politiques qu’au gouvernement et à l’Etat. Nous nous comporterons ainsi également dans cette crise. Individuellement, en tant que citoyens et militants sociaux, les membres du Mouvement se joignent aux Brésiliens perplexes devant la révélation des méthodes que le Parti des travailleurs a utilisées pour faire de la politique. Les campagnes électorales mercantilisent le vote. Payées à prix d’or et menées par des publicistes recrutés pour l’occasion, elles devinnent une fin en soi. La corruption dénoncée aujourd’hui n’est que le résultat de la méthode utilisée. Ce qui est impressionnant c’est de voir comment des secteurs de la gauche ont utilisé les mêmes méthodes que la droite, et se comparent à elle aujourd’hui. Ceci est la fin de ce que nous appelons la politique.

C’est pourquoi nous défendons les méthodes de la gauche pour faire de la politique, qui se concentrent sur le combat des idées, sur la formation de militants, sur le travail de base et sur l’organisation consciente du peuple, comme seule force capable d’apporter des changements dans notre pays.

5. Au sujet de la nature de la crise

Nous considérons que la crise que nous vivons n’est pas restreinte aux méthodes de dénonciation et à la corruption. Elle est beaucoup plus grave. Il s’agit d’une crise de modèle.

Les emplois créés, bien en-deçà des promesses de campagne, sont insuffisants pour répondre à la nouvelle demande des jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Nous faisons face à une crise sociale : les pauvres ne luttent que pour leur survie, et, dans divers secteurs, on voit des signes de barbarie sociale, avec une agravation de la violence. Nous vivons une crise politique : la population ne se reconnaît pas dans ce système de représentation, elle n’a pas le pouvoir politique et elle ne peut exercer celui que mentionne la Constitution fédérale : que tout le pouvoir émane du peuple. Le peuple en veut aux politiciens et les met tous dans le même sac. Tout ceci nous amène à une crise idéologique, conséquence de l’absence de débat dans la société sur un projet pour le pays. Nous craignons le prolongement de cette apathie.

6. Qui sont les ennemis du peuple

Selon nous, les véritables ennemis sont les classes dominantes, qui s’enrichissent toujours plus aux dépends du peuple. Ce sont les intérêts du capital étranger manifeste par l’action des transnationales, des banques étrangères, de la dette externe, du transfert de richesses vers l’extérieur. Ce sont les grands capitalistes brésiliens qui se subordonnent à ces intérêts et qui ont tourné le dos au peuple. C’est le système financier national. Ce sont les latifundiaires qui continuent à accumuler des terres et à les défendre à tout prix. C’est la politique du gouvernement de George W. Bush, qui veut consolider l’Amérique latine uniquement comme un marché pour les entreprises états-uniennes et contrôler notre biodiversité et nos semences.

Le gouvernement Lula peut trouver dans le peuple un allié pour combattre les ennemis. Mais il doit montrer de quel côté il se trouve : du côté des classes dominantes ou du côté des pauvres. Les discours ne suffisent pas. Ce choix ne peut se faire que par des changements clairs dans l’actuelle politique économique et sociale.

7. Sur les sorties de la crise

Pour nous, la sortie de cette grave crise ne dépend plus seulement du gouvernement, du président, des partis politiques ou de l’élection de 2006. Elle dépendra d’un large regroupement de toutes les forces sociales, organisées pour réaliser un véritable travail en commun (mutirão) pour débattre et construire un nouveau projet pour notre pays.

Un projet de développement pour notre pays, qui donne la priorité à la souveraineté populaire. Qui organise une politique économique tournée vers la réponse aux principaux besoins de la population tels que l’emploi, le revenu, la terre, le logement, l’école et la culture. Un modèle qui donne la priorité à la vie des gens, à la construction d’une société avec moins d’inégalités et d’injustices sociales. Nous avons besoin d’une réforme constitutionnelle qui change l’actuel régime politique, qui intègre des mécanismes de démocratie directe. Nous avons besoin du droit de convoquer des référendums, de réaliser des consultations populaires. Nous voulons voir démocratisé le système des partis et de la représentation politique.

Le chemin sera long. Mais il faut commencer dès maintenant. Nous devons stimuler le débat dans la société, dans tous les espaces. Il n’y a que comme cela que le peuple pourra vraiment se convaincre que les changements sociaux seront la conséquence de son organisation et de sa lutte. Nous continuerons à former des militants, des lutteurs et lutteuses du peuple, en élevant leur niveau de conscience et de culture. Nous devons démocratiser les médias, construir des moyens alternatifs par le biais de radios communautaires, de télévisions communautaires et publiques, pour que le peuple ait accès aux informations correctes.

8. Calendrier des mobilisations

Face à cette évaluation de la crise, nous appelons tous les militants du MST, la base des mouvements de Via Campesina et les mouvements sociaux urbains à joindre leurs efforts, à se mobiliser et à s’organiser. Nous appelons tous et toutes à participer aux initiatives en cours durant le mois d’août, et qui culmineront avec la réalisation d’un 7 septembre grandiose, capable de faire émaner le véritable cri des exclus [1] dans le plus grand nombre de villes brésiliennes. En septembre et octobre, nous réaliserons des assemblées populaires dans les différents états pour discuter un nouveau modèle économique, dont le point d’orgue sera notre assemblée populaire nationale : un mutirão pour un nouveau Brésil, qui se tiendra fin octobre, à Brasilia.

Atenciosamente,

Secretaria Nacional do MST

[MST Informa n°96 - 09/08/05]

Traduction : Isabelle Dos Reis pour Info Terra - revue légèrement par Autres Brésils


Notes :

[1] [NDLR] Le 12 octobre est officiellement le jour anniversaire de la Découverte des Amériques par Christophe Colomb (Colombus Day), mais c’est aussi la journée du Cri des Exclus : une manifestation à l’échelle du continent américain où, simultanément, les mouvements sociaux qui luttent pour « une autre société, juste, solidaire et durable », font entendre leur voix.
Le Cri des Exclus trouve également une expression nationale, et, au Brésil, c’est le 7 septembre, date anniversaire de l’Indépendance.

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