Planète en feu

 | Par Eliane Brum

Alors qu’en Europe, les pompiers essaient d’éteindre le feu, au Brésil, les propriétaires terriens brûlent l’Amazonie.

Traduction : Philippe ALDON pour Autres Brésils
Relecture : Du DUFFLES

L’image captée par le satellite Aqua de la NASA montre plusieurs incendies dans les états de Rondônia, Amazonas, Pará et Mato Grosso le 13 août 2019. Aqua Nasa

La jeune militante Greta Thunberg dit souvent, dans ses tentatives de conscientisation des adultes à l’urgence climatique : "Notre maison est en feu. En ce moment, la Suédoise de 16 ans traverse l’océan à bord d’un voilier pour se rendre à la Conférence des Nations Unies à New York. Ce que Greta n’avait peut-être pas imaginé, cependant, est encore plus effrayant : les agriculteurs et les accapareurs de terres ont délibérément mis le feu à la forêt comme un manifeste politique. C’est ce qui s’est passé en Amazonie le 10 août, comme annoncé dans le journal de Novo Progresso.

Les grands propriétaires terriens et les accapareurs de terres des alentours de la route nationale BR-163, l’une des régions de l’Amazonie brésilienne les plus touchées par le conflit, ont programmé la « Journée du feu ». Ce jour-là, ils ont brûlé des pâturages et des zones en cours de déforestation. Selon l’un de leurs leaders, interviewé par le journal Folha do Progresso, les secteurs de l’agronégoce se sentent « soutenus par les paroles de Jair Bolsonaro », qui encourage l’ouverture des zones protégées de la forêt à l’exploitation agricole et minière. Ils ont aussi dit qu’ils souhaitaient montrer au président du Brésil « qu’ils veulent travailler, que la seule façon de le faire, c’est d’abattre la forêt, et que pour aménager et nettoyer nos pâturages, il faut y mettre le feu ».

Tout indique qu’ils ont réussi. Ils l’ont annoncé, dans le journal, cinq jours avant la date prévue. Et cinq jours plus tard, l’Amazonie a brûlé - encore plus. Selon les données de l’Institut national de recherche spatiale, à la date fixée, à Novo Progresso, il y a eu 300 % d’incendies en plus, avec 124 départs de feux. Le lendemain, ce nombre est passé à 203. À Altamira, les statistiques ont montré une réalité encore plus effrayante : une augmentation de 743 %, avec 194 départs de feux. Dimanche, il y en a eu 237.

Alors que Greta Thunberg navigue vers New York, sa phrase prend tout son sens littéral : il y a des incendies dans différentes parties de la planète, de la Grande Canarie, en Espagne, jusqu’en Sibérie, en Russie. Le lien avec la crise climatique peut être plus ou moins direct. En Europe, les foyers sont apparus après le mois de juillet le plus chaud de l’histoire. Dans l’Arctique, les incendies records ont créé un cercle vicieux : le feu libère du CO2 dans l’atmosphère et aggrave l’effondrement climatique. Partout dans le monde, le travail des pompiers est entravé par les vagues de chaleur et le manque d’humidité. En Amérique latine, l’Amazonie brûle, ainsi que des morceaux de Bolivie et de Paraguay.

Les mauvaises nouvelles concernant la surchauffe de la planète n’arrêtent pas. Face à la flambée de déforestation à l’œuvre sous le gouvernement Bolsonaro, l’Allemagne et la Norvège ont suspendu près de 300 millions de réaux destinés à la protection de l’Amazonie. Bolsonaro a répondu au gouvernement allemand : "L’Allemagne cessera d’acheter l’Amazonie par tranches échelonnées. Et aux Norvégiens : « Prenez l’argent et aidez Angela Merkel à reboiser l’Allemagne ».

Bolsonaro n’est pas seulement un très grossier crétin. Ses déclarations servent à aggraver la paranoïa de ses partisans : l’antiprésident et son clan défendent l’idée que le souci pour la forêt est en fait une excuse pour dérober l’Amazonie au Brésil. Le curieux nationalisme prêché par Bolsonaro maudit l’Europe au nom de la souveraineté et s’abaisse jusqu’à en montrer la culotte devant les Etats-Unis de Donald Trump. Pour les milieux d’affaires brésiliens, la seule bonne nouvelle du gouvernement actuel a, cependant, été l’accord intervenu entre l’Union européenne et le Mercosur, scellé 20 ans durant par les gouvernements précédents, et désormais menacé par la destruction scandaleuse de l’Amazonie. L’Europe doit décider : si elle continue à acheter de la viande provenant de la déforestation et des produits imbibés de pesticides, l’industrie agroalimentaire prédatrice continuera à se sentir bien à son aise pour prolonger les journées du feu, stimulée par le pervers qui dirige aujourd’hui le Brésil.

Texte originellement publié le 22 août 2019 sur El País Brasil.

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Eliane Brum est écrivain, journaliste et documentariste. Autrice des livres de non-fiction Coluna Prestes - o Avesso da Lenda, A Vida Que Ninguém vê, O Olho da Rua, Avesso da Lenda, A Vida Que Ninguém vê, O Olho da Rua, A Menina Quebrada, Meus Desacontecimentos, et des romans Uma Duas. Page web : desacontecimentos.com. E-mail : elianebrum.coluna@gmail.com. Twitter : @brumelianebrum / Facebook : @brumelianebrum.

Voir en ligne : El País Brasil

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