Marta Deyhle, une mère en noir

 | Par Amnesty International

Invitée en mai par la Section française pour participer à « Brésil en mouvements », une semaine organisée à Paris, autour de projections et de débats, Marta est venue raconter son histoire. Une plaie ouverte.


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Elle est si jeune et déjà rongée par ce qu’elle nomme « une maladie incurable, comme un cancer qui ne la quitte plus » : la mort de son fils Carlos. Brésilienne native de Rio de Janeiro, Marta Deyhle vit depuis plusieurs années à Maur, en Suisse, avec son mari. En avril 2003, son fils Carlos, âgé de 19 ans, retourne à Rio passer des vacances chez sa grand-mère, dans la favela de Borel. Alors qu’il discute dans la rue avec un groupe d’amis, surgit un bataillon de la police militaire qui tire. Quatre jeunes sont abattus. Carlos meurt sur le coup.

Il existe bien des témoins de la scène, puisque les policiers en uniforme ont opéré de jour et en pleine rue, mais ils ne diront rien, terrés chez eux par peur des représailles. Ils connaissent trop les méthodes de cette police militaire qui fait feu, sans sommation ni distinction, au nom de la lutte contre les trafiquants. Ce que les policiers n’avaient pas prévu ce jour-là, c’était de trouver un passeport suisse sur le corps du jeune Carlos. « Il arrive que les policiers subtilisent les papiers de leurs victimes, ainsi on mettra plus de temps à les identifier et elles passeront pour des indigents, raconte Marta, si Carlos n’avait pas eu son passeport suisse, il n’aurait été qu’un mort inconnu parmi d’autres... »

Elle s’interrompt, bouleversée par ce constat. Un article dans la presse suisse va retenir l’attention d’Amnesty qui lance un cas d’appel sur ces quatre victimes. Marta, elle, découvre des centaines de mères dans sa situation : condamnées à l’impuissance et à l’impunité. Elle rejoint le Réseau des communautés et des mouvements contre la violence, qui réunit plusieurs associations de quartiers et des familles touchées par la violence d’État . Avec peu de moyens, ce réseau essaie de nouer des solidarités entre les favelas, de faire avancer des dossiers devant la justice. Mais sans une aide extérieure, la partie semble perdue d’avance.

« La classe moyenne brésilienne ne nous soutient pas, elle est favorable à la violence policière qui vise de soi-disant « bandits et dangereux trafiquants ». Les magistrats, de connivence avec les policiers, rechignent à les juger, et, même si nous avons assez d’argent pour payer un avocat, il va refuser de s’en prendre à la police et décliner l’offre. On aura beau changer la loi, si on ne change pas les policiers, rien ne bougera », constate Marta.

Juste après la mort de son fils, elle s’est constituée partie civile avec les familles des autres victimes. Cinq policiers, membres du bataillon, ont été arrêtés. Deux seulement ont été jugés et acquittés. Leurs avocats ont convaincu la Cour que les jeunes abattus étaient des « bandits ».

Pendant le procès, les familles plaignantes ont subi l’intimidation répétée de membres de la police militaire présents dans la salle. L’affaire suit son cours et Marta ira jusqu’au bout. Le fait qu’elle vive en Suisse joue en sa faveur. Elle a réussi à mobiliser des associations internationales qui soutiennent son action.

« Au Brésil, les gens pensent que je suis plus riche puisque je vis à l’étranger et cela me donne plus de poids. Les choses qui viennent de l’extérieur ont aussi plus d’influence sur les autorités ». Elle a donc choisi de rester en Europe, d’où elle peut aider davantage ceux qui, là-bas, ne veulent pas perdre espoir. Ainsi sa propre mère a décidé de transformer la maison familiale de la favela de Borel en maison d’accueil pour les jeunes. Un lieu de réconciliation, à la mémoire de Carlos.

Par Aurine Crémieu


Source :
Amesty International


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