Les nouvelles zones de protection environnementale dans l’Etat du Pará bénéficient plus aux exploitants forestiers

 | Par Paulo Adario

Le Gouverneur du Pará, Simão Jatene (PSDB), s’est résolu à faire un maquillage vert sur son image avant de sortir de scène. Un mois avant de passer le mandat au Sénateur Ana Júlia Carepa, du PT, Jatene a annoncé en grandes pompes la création d’une mosaïque d’unités de conservation et d’utilisation durable qui fut présentée en claironnant au Brésil et à l’extérieur comme étant “la plus grande zone de protection du monde”, avec près de 15 millions d’hectares.

Dans les rapports “Partenaires du crime” de 2001, “Etat du conflit” de 2003, et “Dévorant l’Amazonie” de 2006, Greenpeace a exposé un panorama dramatique du modèle de développement adopté par le Pará, ancré dans l’avancée hors contrôle de l’industrie forestière, de la production de soja, de l’injustice sociale et dans la violence de la contestation relative à la terre et aux ressources forestières. Les trois rapports proposent l’adoption de moyens concrets de gouvernance et la création d’un vaste réseau de zones protégées, aussi bien de terres d’Etat que de zones sous contrôle de l’Union Fédérale. Il est temps de reconnaître le changement d’itinéraire du Gouvernement du Pará. Mais avant d’applaudir, cela vaut la peine d’analyser le programme annoncé par Jatene le 4 décembre 2006, jour d’Iansã, déesse de candomblé, reine des rayons, fortement liée à « l’obscur » et au monde souterrain.

Sur la surface totale des zones créées par le Gouverneur, 56% sont destinées à l’exploitation de bois et autres produits forestiers à Calha Norte do Pará et à Terra do Meio, 36% sont des aires de préservation intégrale à Escudo das Guianas (localisé à Calha Norte) et 11% sont destinées à l’ordonnancement territorial d’un front agressif d’expansion prédatrice et illégale d’exploitants agricoles et forestiers qui traversent le fleuve Xingu en direction du fleuve Iriri, au cœur de la Terra do Meio. C’est-à-dire que la grande majorité consiste en des “aires protégées” pour l’exploitation du bois, l’élevage et l’agriculture.

Les 36% de préservation intégrale - Etat écologique du Grão-Pará, la plus importante du pays et la Réserve Biologique Maicuru - sont dans des zones de haute valeur de conservation dans l’Escudo das Guianas et jouxtent les terres indigènes et autres unités de conservation déjà existantes qui traversent le Nord de l’Amazonie d’Est en Ouest et qui forment un gigantesque et important couloir écologique (zones continues de préservation). Les deux unités créées par Jatene sont dans des régions intactes ou semi intactes, d’accès difficile dû au relief accidenté. Ce sont des zones de sols pauvres et de faible pression économique. Selon l’ONG Conservation International (CI), qui étudie la diversité biologique de ces zones, la région abrite diverses espèces menacées et est vitale pour le régime hydrique. La création de ces zones mérite des applaudissements. L’engagement de CI, qui promet de mettre des ressources techniques, scientifiques et financières sur la table, doit contribuer à permettre au Gouvernement du Pará de réellement implanter ces unités.

Celui qui s’est taillé la part du lion c’est l’industrie du bois, qui reste avec 7,8 millions d’hectares au total, une propriété plus grande que les Etats de Rio de Janeiro et d’Alagoas, plus le District Fédéral réunis. Trois des quatre zones destinées à l’exploitation du bois - Forêt d’Etat Paru, Trombetas et Faro - forment un couloir continu de forêts riches en biodiversité et espèces arbustives de haute valeur commerciale. La forêt d’Etat Paru est voisine d’une unité Fédérale de protection intégrale (la station écologique de Jari) et d’Orsa Florestal, entreprise qui détient 545 000 hectares destinés à l’exploitation du bois. Orsa est certifié par le FSC - Forest Stewardship Council.

Ces forêts d’Etat, en accord avec la nouvelle loi de gestion des forêts publiques, devront faire l’objet de concessions pour l’exploitation du bois et autres produits forestiers et même jusqu’à l’écotourisme. Néanmoins, dans le Pará des cartes truquées, c’est la puissante industrie marchande du bois qui doit gagner.

Le modèle de concession forestière, s’il est correctement mis en place, doit contribuer à la gestion durable des forêts. Mais les concessions se justifient uniquement dans des zones soumises à une forte pression entropique de fronts d’expansion de l’industrie du bois illégale ou de l’agriculture. Dans celles-ci, elles fonctionnent comme un instrument pragmatique de contention de l’exploitation prédatrice de bois, des brûlis et du déboisement. Selon Imazon, les forêts d’Etat de Paru et Faro abritent environ 100 familles dans une zone plus étendue que les Pays-Bas. Les exploitants forestiers venus de pôles traditionnels comme Paragominas et d’autres régions où la matière première s’épuise pour des raisons d’exploitation prédatrice ont récemment envahi le Paru. Le critère basique de l’ordre adopté par Jatene pour la zone semble moins tenir compte de la “pression entropique” et plus du critère de “vocation forestière de la région”- c’est-à-dire, de forêts riches en espèces à valeur commerciale.

Selon leur implantation et celui qui gagne les concessions, les forêts d’Etat du Gouverneur, vont en théorie apporter de l’ordre dans ce désordre - ou bien légaliser l’invasion.

Jatene a perdu la chance d’améliorer son chant du cygne vert en créant au coeur de la violente Terra do Meio la forêt d’Etat Iriri, située entre deux terres indigènes et voisine de la Station Ecologique de Terra do Meio, grande zone de protection intégrale créée par le Gouvernement Lula après l’assassinat de la missionnaire Dorothy Stang, en février 2005. La forêt d’Etat Iriri est située dans une zone riche en acajou qui a un historique de pillage et d’invasion d’exploitants illégaux. Sur les bords du fleuve Iriri vivent 36 familles qui peuvent être menacées par l’entrée d’exploitants forestiers. La meilleure option est de transformer une partie de la zone en réserve d’usage communautaire durable, d’intégrer les familles au schéma de surveillance et de créer dans le reste une unité de protection intégrale tournée vers la conservation des derniers stocks d’acajou de la région.

La seule mosaïque de Jatene ne fut pas la plus grande car le juge fédéral d’Altamira, Herculano Nacif, a concédé un seuil au Ministère Public Fédéral empêchant la création de la forêt d’Etat d’Amazônia et l’Aire Protégée (APA) Santa Maria de Prainha. Les deux zones sont revendiquées par les communautés traditionnelles de la commune de Prainha pour la création de la réserve extractiviste (resex) Renascer. La création de Renascer fait partie du programme du gouvernement fédéral de lutte contre le déboisement et devait être créée en 2005/2006. Les communautés attendent encore. Quant au gouvernement fédéral il ne peut faire la leçon, la contestation relative aux ressources forestières de la région a provoqué conflits et violence. La Police Militaire a récemment été photographiée protégeant des chargements de bois illégaux et écartés.

La présence, depuis le 19ème siècle de communautés vivant sur les berges - qui s’est confrontée pendant des années à l’invasion d’exploitants forestiers - a poussé Greenpeace à appuyer la transformation de la région en réserve extractiviste. La forêt d’Etat Amazônia prévue par le gouvernement Jatene irait consolider la présence d’entreprises d’exploitation forestière dans la zone - y compris celle de Madenorte. L’historique du groupe Madenorte - allié politique de Jatene - fut exposé dans le rapport “Pará, Etat de conflit” (Greenpeace, 2003) qui montre l’implication de la société dans le brûlis des terres publiques et l’exploration de bois illégale, en plus de dénoncer la violence contre les communautés locales. Selon le rapport, 90% de la production de bois et de contreplaqué de Madenorte est à destination des Etats-Unis, de l’Europe et de l’Asie.

Ainsi, comme cela arrive dans les zones de conservation créées par le gouvernement fédéral, seul le futur dira si l’Etat du Pará remplit les conditions pour empêcher l’invasion des « zones protégées » par les exploitants forestiers illégaux, propriétaires ou colons, et si l’exploitation de produits forestiers sera réellement durable d’un point de vue environnemental. Dans l’état actuel de précarité de gestion et de contrôle de l’Ibama et du Sectam (Secrétariat du Para de l’Environnement) et avec l’imbroglio juridique relatif aux instituts fédéraux et d’Etat de la terre, il s’agit d’un pari à haut risque qui sera gagnant uniquement si la présence de l’Etat est permanente, si les aires « protégées » sont réellement protégées et si les initiatives de politiques publiques renforcent les communautés locales, l’environnement et le développement économique basé sur la forêt.

La gouvernance ne se fait pas par décret mais par des moyens concrets. Jusqu’à maintenant, le gouvernement du Pará n’a pas donné les bons exemples. L’Etat dispute au Mato Grosso le titre du champion du déboisement, est le leader imbattable en matière de bois illégal, assassinat de travailleurs ruraux et des communautés, ainsi qu’en travail esclave.

Il appartiendra a Ana Júlia Carepa, en place à partir du 1er janvier 2007, d’appliquer le décret de Jatene. Elle devra relever un énorme défi, même si le Président Lula, du même parti que le Gouverneur, a donné les signaux d’un choix clair en matière de développement à n’importe quel coût.

Par Paulo Adario, coordinateur de la campagne Amazônia de Greenpeace, en plus d’être environnementaliste, Indien et quilombola.


Source : Greenpeace - 06/12/2006

Traduction : Bettina Balmer pour Autres Brésils



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