Les manifestations (de juin) ont-elles renouvelé les mécanismes existants ou bien en ont-elles créé de nouveaux ?

 | Par IHU On-Line

Source : IHU On-Line,17 février 2014

Traduction pour Autres Brésils : Roger GUILLOUX (Relecture : Estelle MAIRESSE)

Entretien avec Rodrigo Nunes

ʺAu Brésil, le plus grand mouvement de masse depuis celui des Direitas Já [1] s’est déroulé sans que les grandes organisations de masse aient joué un rôle centralʺ fait remarquer le philosophe.

Photo : GBN

Les manifestations qui ont commencé dans le pays en juin dernier (2013), sont liées à la ʺconvergence de trois tendances historiquesʺ, dont deux sont ʺirréversiblesʺ : l’usage des réseaux sur Internet qui a produit une ʺauto-communication de masseʺ et la ʺchute vertigineuse des coûts d’organisationʺ fait remarquer Rodrigo Nunes, auteur du livre The Organisation of the Organisationless : Organisation After Networks (L’organisation des Sans Organisation : Organisation Après les Réseaux) qui sera publié dans les mois qui viennent. Par ailleurs, il indique que la ʺtroisième tendance historiqueʺ, entendue comme crise des mécanismes de représentation, ne sera pas résolue de sitôt.

Pour comprendre le phénomène qui se produit, Nunes utilise le concept de ʺsystème-réseauʺ à partir duquel il est possible de comprendre comment les manifestations dans les rues et dans les réseaux virtuels sont connectées. ʺLes systèmes-réseaux ne sont pas qu’un simple assemblage d’individus ; ils sont différenciés de l’intérieur, par des zones plus claires-semées et des noyaux plus denses, plus vivants, plus organisés. Normalement ce sont ces noyaux qui assurent le rôle de convoquer, de définir des lignes directrices, de garantir un minimum d’organisation, y compris physique, à ces actionsʺ.

Dans l’entretien à suivre accordé à IHU On Line, par courriel, Nunes évalue également les divergences et les rapprochements entre les dernières manifestations et les mouvements sociaux de type traditionnel qui ont surgi au cours la période de re-démocratisation du pays. ʺSe demander si un type d’organisation va remplacer un autre, c’est comme si on se demandait si une soucoupe va remplacer une assiette creuse : il s’agit d’objets semblables mais qui ont des finalités différentes et dont la forme est adaptée à leur finalité. L’organisation est toujours une réponse à une situation spécifiqueʺ explique-t-il. Et il ajoute : ʺJe ne crois pas que les organisations traditionnelles des mouvements de masse vont disparaître, tout au moins à moyen terme. Ce qui va certainement changer, c’est l’idée qu’elles sont le seul modèle viable d’organisation, l’idée que celui qui ne s’organise pas à leur manière n’est pas organisé. ʺS’organiserʺ n’est plus synonyme de ʺs’organiser de cette manière-làʺ ʺ.

Rodrigo Guimarães Nunes est docteur en philosophie du Goldsmiths Collège de l’Université de Londres et professeur à la Pontifícia Universidade Católica de Rio de Janeiro - PUC-Rio. Il collabore à divers publications nationales et internationales telles que Radical Philosophy, Mute, Le Monde Diplomatique, Serrote, The Guardian e Al Jazeera. Comme organisateur et éducateur en éducation populaire, il a participé à différentes initiatives militantes telles que les premières rencontres du Forum Social Mondial et la campagne Justice for Cleaners à Londres. De plus, il a été membre du collectif éditorial de Turbulence, une revue influente dans les mouvements sociaux en Europe et en Amérique du Nord, entre 2005 et 2010.

IHU On-Line – Vous définissez les phénomènes qui se sont produits au Brésil depuis juin de l’année passée au Brésil et au cours de ces trois dernières années dans plusieurs autres pays comme ʺdes mouvements de masse sans organisation de masseʺ ? Que voulez-vous dire par là ?

Rodrigo Nunes – Pendant longtemps on a pensé qu’un mouvement de masse de grande importance, mobilisant un grand nombre de personnes au niveau national, ne pouvait exister qu’à condition d’être impulsé par des organisations ayant de nombreux membres, une structure formelle et un leadership reconnus.

Ceci fut à l’origine d’une grande crise de la gauche mondiale dès les années 1980 et au Brésil, depuis les années 1990, car les syndicats se sont affaiblis, les partis et les mouvements ont perdu de leur capacité de mobilisation. Dès lors, on a pensé que les mouvements de grande ampleur étaient devenus impossibles. Ce fut également la crise des partis situés à la gauche du PT, dès 2002, qui essayèrent, justement, de créer de nouvelles centrales syndicales et de nouveaux organismes de représentation estudiantine.

Les trois dernières années ont montré qu’il est possible qu’un mouvement de masse se constitue en l’absence de ce type d’organisation. On peut se demander dans quelle mesure c’est une bonne ou une mauvaise chose mais on ne peut remettre en question qu’au Brésil, le plus grand mouvement de masse depuis les Direitas Jà, s’est produit sans que les grandes organisations de masses aient eu un rôle central.

Notes du traducteur :
[1] Direitas já  : mouvement populaire de grande ampleur (1983 et 1984) revendiquant des élections directes pour l’élection du Président de la République

Télécharger l’intégralité de l’entretien de Rodrigo Nunes sur le document PDF ci-dessous :

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