Les églises inclusives attirent un public LGBT et brisent des tabous

 | Par Maíra Streit

Source : Carta Capital - 07/05/2015
Traduction pour Autres Brésils : Pascale VIGIER
(Relecture : Anne-Laure BONVALOT)

Considérés comme « pécheurs » au sein des autres courants religieux, les gays, lesbiennes, bisexuels, et transsexuels trouvent refuge dans de nouvelles églises ouvertes à la diversité, qui ont conquis un nombre de plus en plus grand d’adeptes dans le pays. Sur la photo, le couple de pasteurs Marcos et Fábio, avec leurs fils adoptifs.

Culte de "l’Église Contemporaine" (Igreja contemporânea) [1], à Rio de Janeiro (Photo : Divulgação)

À première vue, on dirait une église comme toutes les autres. Les actes de foi, les prières, les hymnes et les rites religieux sont tous là. Ce qui différencie une église inclusive des églises traditionnelles, ce sont les personnes qui la fréquentent, unies par un besoin pressant d’accueil et de respect.

La majorité des fidèles est constituée de gays, lesbiennes, bisexuels, travestis et transsexuels dont l’histoire est chargée de discriminations, mais qui ne renoncent pas à exercer leur foi en la spiritualité. Considérés comme « pécheurs » dans les autres courants du christianisme, ils se réunissent pour partager des moments d’étude de la Bible et retrouvent des forces pour affronter ensemble les partis pris.

Les récits de vexation, voire d’expulsion des autres églises, surtout les évangéliques, ne sont pas rares. Généralement, les familles n’acceptent pas les identifications de genre ou les orientations sexuelles différentes de la norme et finissent par renforcer chez la personne le sentiment d’isolement.

Dans l’intention de proposer une alternative à cette situation, le révérend Troy Perry a fondé, en 1968, la Communauté Métropolitaine, à Los Angeles, aux États-Unis. L’ex-ministre baptiste a ouvert la voie à une idée qui, depuis lors, atteindrait un nombre grandissant d’adeptes. Au Brésil, la théologie inclusive a fait son apparition dans les années 1990, mais la première congrégation nationale a surgi seulement en 2002, avec l’Église Chrétienne Acalanto, administrée par le pasteur chilien Victor Orellana.

Le pasteur Alexandre et son époux, le presbytérien Jean (Photo : Maíra Treit)

Aujourd’hui, il existe environ dix églises dans le pays dont le discours est plus ouvert à la diversité. Elles commencent à essaimer dans plusieurs États. L’une d’elles est la Communauté Athos, à Brasilia. Inaugurée en 2005 avec en tout et pour tout cinq membres, elle est actuellement fréquentée par environ 300 fidèles lors des trois cultes hebdomadaires qui ont lieu dans le sous-sol d’un immeuble commercial.

Le pasteur Alexandre Feitosa affirme que l’idée est de ne discriminer personne, mais, au contraire, de donner le champ libre à tous ceux qui ont envie de participer aux activités. « Nous faisons un travail que toutes les autres églises devraient faire. Au lieu d’en recevoir des éloges, le fait d’accueillir et de recevoir tout le monde nous vaut des quolibets. Nous faisons ce que le Christ faisait. C’est ce qu’il nous a enseigné. », déclare-t-il.

Feitosa critique l’approche qu’ont beaucoup de religieux sur cette question, ce qui contribuerait à un scénario d’exclusion. « L’homosexualité est toujours traitée dans une perspective négative, de condamnation, d’enfer, d’abomination. Et tout cela fait que les chrétiens LGBT qui sont ici restent en retrait et se réfugient de plus en plus dans leur coquille », dénonce-t-il.

Des tabous comme le sexe avant le mariage et l’utilisation des préservatifs sont vus d’une manière autre que dans les églises conventionnelles, et l’interprétation de la Bible est perçue dans une optique de liberté et d’amour du prochain. Pourtant, celui qui pense qu’ici tout est libre se trompe. La direction donnée aux fidèles est de suivre des relations stables, monogamiques, et de fonder une famille.

Vilma et Andréa attendant Catarina (Photo : Archives personnelles)

Ce fut le cas de Vilma Timo, hôtesse de télémarketing, membre de la Communauté Athos. Durant longtemps elle a cherché à modifier son orientation sexuelle. Elle portait des jupes longues, des cheveux longs et participait avec ferveur aux cultes de libération de l’Assemblée de Dieu. Elle en est arrivée à jeûner trois jours durant, sans rien boire ni rien manger, cherchant à se délivrer de ces « pensées sales et démoniaques ». Elle finit par se fiancer à un garçon de l’église, mais renonça en se rendant compte que cette relation ne la rendrait pas heureuse.

Elle a fait connaissance de l’éducatrice Andréa Oliveira lors d’un chat sur internet, en est tombée amoureuse et quelques mois plus tard elles étaient en train de flirter. Un an après, elles habitaient déjà ensemble. Cette nouvelle situation devenait incompatible avec l’église, qu’elle décida d’abandonner. « Les gens ne connaissaient pas ma situation, je vivais cachée. J’essayais de me cacher le plus possible. Et c’est horrible de vivre de cette manière, privée de son identité. Malheureusement, dans ma famille, l’homophobie et les préjugés continuent tout autant », raconte-t-elle.

Le couple a trouvé refuge dans l’église inclusive et, il y a cinq mois, toute leur souffrance s’est atténuée avec l’arrivée de la petite Catarina, fruit d’une fécondation in vitro, qui les a placées toutes deux devant les défis de la maternité. « La Communauté Athos nous accepte telles que nous sommes. Voilà la grande différence », conclut-elle.

Résistance

Mais un tel bonheur a incommodé – et fortement – l’aile la plus conservatrice des évangélistes. Le président du Conseil des Pasteurs du Brésil, Silas Malafaia, a dit à plusieurs reprises ne pas reconnaître ces communautés, les assimilant à des églises de « polygames, prostituées et adultères ». « Pour ce qui me concerne, elles n’existent pas », a-t-il déclaré dans une interview.

Cependant, la forte résistance des soi-disant « chrétiens » n’est pas vraiment une préoccupation pour le pasteur Marcos Gladstone, qui préfère ne pas mettre en avant ce discours. Fondateur de l’Église Contemporaine, il raconte qu’il a débuté avec un petit groupe dans une villa à Lapa, au centre de Rio de Janeiro.

« L’homosexualité est toujours traitée dans une perspective négative, de condamnation, d’enfer, et d’abomination », dit le pasteur (Photo : Divulgação)

Au début, on avait peur des représailles, mais bientôt un nombre grandissant de fidèles s’est mis à affluer et aujourd’hui on compte déjà 2500 personnes dans neuf unités ouvertes aussi à São Paulo et dans le Minas Gerais. Il attribue cette croissance à la forte demande de la population LGBT, qui se voit encore profondément discriminée dans les autres religions.

Gladstone estime que la condamnation de l’homosexualité est le résultat de constructions théologiques pleines de préjugés et d’interprétations erronées de la Bible. Il essaie de montrer un autre aspect et, ainsi, de détruire les stéréotypes autour de ce sujet.

En 2009, il a été élu par le site Mix Brasil [2] comme l’une des personnalités qui ont influencé le monde de façon positive pour l’acceptation de la communauté LGBT. L’année suivante, il a reçu le Prix Arco-Iris [Arc-en-Ciel] des Droits de l’Homme et la mention d’honneur de la Chambre Fédérale pour son travail dans le secteur de la réintégration sociale.

Aujourd’hui, il est marié avec Fábio Inácio, lui-même pasteur, et père de deux garçons, Felipe et Davison, qu’ils ont adoptés ensemble. « Nous avons flirté, nous nous sommes fiancés et mariés. Il est arrivé un moment où nous avons ressenti qu’il manquait quelque chose de plus pour compléter la famille. C’est alors que nous en sommes venus à l’adoption. Nous avons évolué en accord avec la loi », plaisante-t-il. Leurs projets pour le futur comprennent l’adoption d’une fille, ainsi que l’inauguration de la première cathédrale inclusive du Brésil, qui doit être achevée dans les prochains mois, à la place d’un ancien cinéma, dans le quartier de Madureira [3].

Notes de la traduction :

[1L’Igreja Contemporânea [Église Contemporaine] est une religion fondée en 2006 par le pasteur méthodiste Marcos Gladstone, pour lutter contre l’intolérance sociale envers les LGBT.

[2Site internet lié au Festival Mix Brasil créé en 1994 à São Paulo et destiné à représenter les diversités sexuelles. Ce festival est ouvert à des œuvres dans différents domaines comme le cinéma, la vidéo, les performances, les débats, etc...

[3Quartier populaire de Rio de Janeiro.

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