Les dix principaux défis de la politique extérieure brésilienne pour 2016 - Première partie

 | Par Oliver Stuenkel

Source : Carta Capital - 09/12/2015
Traduction pour Autres Brésils : Roger Guilloux
(Relecture : Céline Ferreira)

Le ministre des Relations Extérieures, Mauro Vieira. Photo : Antonio Cruz / Agência Brasil

Ne choisir que dix objectifs entre une multitude de défis auxquels le Brésil doit faire face, est, évidemment une tâche pratiquement impossible et vouée à laisser de côté des questions cruciales. Cette liste ne prétend donc pas à l’exhaustivité (elle ne prend pas en compte des thèmes aussi importants que l’environnement, l’aide au développement, la non-prolifération des armes), mais elle vise à stimuler le débat au cours d’année pleine de défis.

Vous pourrez lire, ci-après, les cinq thèmes de première partie de la liste. La deuxième partie fera l’objet d’un deuxième article.

1. Aider à remettre en marche l’économie

L’économie du Brésil est en ruines et aucune politique internationale au monde ne pourrait la remettre sur pied sans la réalisation préalable de réformes intérieures profondes, cependant, une politique étrangère, judicieusement formulée peut y contribuer de manière substantielle. Cela implique de donner une nouvelle vie au Mercosur et de rechercher activement des accords de libre-échange (voir l’item 5), rendre plus transparents et plus efficaces, les prêts effectués par la BNDES [1] au profit d’entités étrangères et montrer clairement aux investisseurs internationaux comment le Brésil prétend sortir des fortes turbulences économiques dans lequel il se trouve - un plan pour remonter de 30 positions dans le ranking Doing Business, de la Banque mondiale serait un bon début.

Cela implique aussi de lutter contre des financements provenant de la Nouvelle Banque de Développement dirigée par les BRICS, relancer le programme de bourses internationales pour étudiants brésiliens (mais en les limitants aux ingénieurs), faciliter les règles d’immigration, avec de fortes incitations vis-à-vis des immigrés hautement qualifiés (venant de pays comme la Syrie) et éliminer les procédures bureaucratiques compliquées pour l’obtention de visas de manière à augmenter le nombre de touristes étrangers.

2. Récupérer le leadership régional

Rien ne symbolise autant la perte de dynamisme de la politique extérieure brésilienne que sa politique régionale passive et indifférente. Comment est-ce que la Présidente voit la région dans cinq, dix ou vingt ans ? Quel est le projet régional du Brésil et comment doit-il être mené à bien ? Le Brésil essaie-t-il d’avoir une certaine influence dans la définition de la politique régionale ?

Alors que le Brésil a mené une politique régionale active et efficace sous les présidences de Fernando Henrique Cardoso et Lula, aujourd’hui, peu de gens comprennent la politique du Brésil. Cela ne veut pas dire que le Brésil doit imposer ses vues, loin de là. Cependant le Brésil est le seul pays de la région avec une capacité de leadership suffisante pour articuler une vision commune et créer les conditions et les incitations pour que celle-ci soit réalisée.

Il y a eu, au cours de ces dernières années, quelques raisons d’optimisme. Le Brésil, par exemple, a invité les leaders de la région à une réunion avec Xi Jinping, le Président chinois, lors de sa venue au Brésil pour le 6ème sommet des BRICS. Cet évènement aurait pu être le début d’un dialogue systématique entre les leaders de la région sur la manière de faire face à la montée en puissance chinoise. Cette initiative peut être reprise régulièrement comme cela était le cas par le passé, lors de la formation du Conseil de Défense Sud-américain, par exemple.

3. Remettre à l’ordre du jour les droits de l’homme et la démocratie

Présidente élue en décembre 2010, Dilma Rousseff avait qualifié de « médiévale » la pratique iranienne de lapidation des femmes condamnées pour adultère ; elle avait, ainsi, créé un espoir de voir le Brésil prendre une position plus claire vis-à-vis des violations des droits de l’homme dans le monde.

Même les diplomates les plus chevronnés ont vu dans ce commentaire le feu vert pour une critique des abus de ce type dans d’autres pays. Cependant, quelques jours après seulement, le Ministre des Relations Extérieures fut durement repris par le conseiller spécial de Dilma Rousseff, Marco Aurélio Garcia, l’enjoignant de ne pas mentionner les problèmes de violation de droits humains à Cuba et au Venezuela sans l’autorisation préalable de la Présidente.

Si un pays de la région pouvait jouer un rôle plus efficace dans la manière de traiter la crise démocratique au Venezuela, ce pays serait le Brésil. Brasília, cependant, a donné un chèque en blanc à Nicolás Maduro le laissant poursuivre ses opposants politiques, contrôler les médias et le système judiciaire sans craindre la censure internationale.

Dilma Rousseff - COP 21 Paris. Photo Rafael Carlota /PR

4. Récupérer la voix perdue du Brésil pour faire face aux défis globaux

Quant aux thèmes qui ont dominé les relations internationales au cours de ces douze derniers mois, le développement de l’État Islamique, la crise mondiale des réfugiés ou la guerre civile en Ukraine, par exemple, le Brésil est rarement allé au-delà du rôle de spectateur, cédant l’espace aux puissances traditionnelles.

Brasília pourrait cependant être beaucoup plus actif dans la discussion globale sur la manière d’affronter de manière efficace les défis mentionnés ci-dessus et influencer de manière positive des dynamiques d’action, comme il l’a fait au cours de ces dernières années sur des thèmes tels que les interventions humanitaires, la gouvernance d’Internet, les missions de résolution de conflits et de défense de la démocratie.

Cela implique, en premier lieu, d’être présent quand ces thèmes sont discutés. Mais, dans le cas de la Conférence annuelle sur la sécurité à Munich, par exemple, le Brésil s’est fait remarquer par son absence au cours de ces dernières années. Le débat international est déséquilibré et nous ne pouvons plus résoudre des défis globaux en faisant, tout simplement, confiance au bon sens de que quelques pays.

L’incapacité dramatique à faire face aux thèmes cruciaux, apparus au cours de ces dernières décades, est un signal clair que de nouveaux acteurs doivent contribuer à ce que des solutions pertinentes soient trouvées.

5. Rechercher davantage d’accords de libre échange

Au cours des quinze dernières années, des centaines d’accords de libre-échange ont été actés par l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Le Mercosur, en ce qui le concerne, n’en a signé que quelques-uns et avec des marchés d’importance secondaire.

Les négociations commerciales entre le Mercosul et l’Union Européenne (UE) qui ont commencé il y a déjà quinze ans, sont extrêmement difficiles. Elles ont stagné en raison de problèmes similaires à ceux qui ont rendu les négociations de l’OMC si complexes : le manque de volonté de la part de l’Europe à exposer ses agriculteurs protégés à la compétition et la volonté des pays d’Amérique du Sud de protéger leurs industries des importations de haute qualité.

Au Brésil, malgré cela, un nombre croissant d’entrepreneurs appuie les accords de libre-échange non seulement avec l’Union Européenne mais aussi avec les USA. Ils estiment que l’industrie brésilienne pourrait entrer en compétition à conditions égales si le gouvernement réduisait le tenace « coût Brésil », en agilisant la procédure de recouvrement des impôts et en améliorant les infrastructures.

Texte initialement publié dans le blog Post-Western World

Note de la traduction

[1BNDES : Banque Nationale de Développement Économique et Social, banque publique rattachée au Ministère du Développement, de l’Industrie et du Commerce Extérieur qui finance des investissements de long terme.

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