« Le manque d’investissements a fait de la Baie de Guanabara un immense égout à ciel ouvert », affirme un biologiste.

 | Par Rogério Daflon

Source : Brasil de Fato - 16/04/2015

Traduction pour Autres Brésils : Anne-Laure BONVALOT
(Relecture : Roger GUILLOUX)

Sebastião Raulino, professeur de biologie, est l’un des membres les plus actifs du Forum des Victimes de l’Industrie du Pétrole et de la Pétrochimie des Environs de la Baie de Guanabara. Dans cet entretien, Raulino livre son inquiétude quant à l’avenir de la Baie. Ce professeur a déjà émis d’importantes mises en garde contre la dégradation de notre plus beau trésor environnemental, qui est aussi le plus menacé, lieu de vie et patrimoine des populations locales – plus de dix millions de personnes au total.

Comment décririez-vous le contexte social de la Baie de Guanabara aujourd’hui ?

Sebastião Raulino - La Baie constitue un espace aquatique qui relie entre elles plusieurs villes de l’État de Rio de Janeiro. Elle abrite des plages, des langues de sable, des côtes rocheuses, de nombreuses mangroves, la forêt tropicale atlantique, bref, une grande diversité d’écosystèmes. Ce panorama se dégrade peu à peu, en particulier depuis la seconde moitié du XXème siècle. Depuis lors, l’industrialisation de la région – en particulier l’industrie du pétrole, la pétrochimie et la chimie – n’a cessé d’attirer des milliers de travailleurs. Ainsi, en raison du manque d’investissements dans une infrastructure urbaine capable d’accueillir cette population migrante, des lotissements précaires ont surgi, dépourvus d’eau et de système d’égouts, et ne disposant que d’un système d’enlèvement des déchets très précaire. Tout ceci a fait de la Baie un immense égout à ciel ouvert, un grand réceptacle des eaux usées non retraitées et des déchets industriels.

Et quelles sont les conséquences de tout cela ?

Au fil du temps, nous avons constaté une diminution de la qualité de l’eau des fleuves qui se jettent dans la Baie de Guanabara : ceci a engendré sa dégradation, venant affecter progressivement la qualité de l’eau de la Baie elle-même et, par ricochet, de la faune et de la flore. Les mangroves, les plages, les étangs ont été peu à peu détruits. Parallèlement à ce processus, on assiste à un phénomène très inquiétant qui touche les populations traditionnelles de la Baie de Guanabara.

Pourriez-vous être plus précis sur le sujet ?

Les pêcheurs artisanaux, les ostréiculteurs et les pêcheurs de crabes sont les groupes les plus touchés. Ces groupes qui, historiquement, vivent de la Baie, se sont vus à plusieurs reprises menacés et empêchés d’exercer leur activité, une violation de leurs droits qui est depuis longtemps négligée par les pouvoirs publics. Numériquement, ces groupes diminuent d’année en année. Il faut souligner que la disparition de ces groupes est aussi celle d’un mode de vie séculaire et de connaissances spécifiques, caractéristiques de la Baie de Guanabara. Cela signifie également la disparition des moyens de subsistance de nombreuses familles et l’aggravation des problèmes sociaux dans la région. Cela provoque également un éloignement de la nature résultant du mode de vie que notre société impose et cela dans un cadre naturel aussi riche que celui de Rio de Janeiro et de la Baie de Guanabara.

Pourriez-vous revenir sur la place de l’industrie du pétrole et de la pétrochimie dans ce processus de dégradation ?

L’inauguration de la Raffinerie Duque de Caxias (REDUC) en 1961 et le pôle pétrochimique qui s’est formé alentour sont les jalons les plus importants de ce processus. La fuite de 2000, qui a engendré le rejet de plus d’un million de litres d’huile dans la Baie de Guanabara, est également un événement mémorable, étant donnés l’état de dégradation et la baisse de la production halieutique qu’on a observés à partir de cet épisode. L’intensification du modèle pétro-dépendant dans l’État de Rio de Janeiro, l’annonce de l’exploration du pétrole « pré-sal » [1] et l’implantation du Complexe Pétrochimique de Rio de Janeiro (Comperj) laissent présager une pression environnementale accrue sur la Baie de Guanabara, ôtant à la population toute possibilité de choisir quelle Baie de Guanabara elle désire. La société doit pouvoir choisir si elle veut une Baie transformée en usine, saturée d’oléoducs, de gazoducs, d’usines à gaz, de ports et surchargée de bateaux – dont la présence est liée à la filière du pétrole – mouillant dans ses eaux cristallines, ou si elle veut une Baie dépolluée, aux paysages qui ont toujours été les symboles du pays, où différentes formes d’exploitation durable pourraient cohabiter.

Notes de la traduction :

[1] Pré-sal : Ce terme est utilisé pour désigner un type de roche de la croûte terrestre formé exclusivement de sel pétrifié, déposé en couches au fond des mers. Ce type de roche est susceptible de retenir du pétrole. Au Brésil, l’ensemble des champs de pétrole pré-sal, récemment découverts, se situent à des profondeurs allant de 1000 à 2000 mètres pour la partie immergée et de 4000 à 6000 mètres au-dessous de la couche de sel. Ces nouveaux champs de pétrole s’étendent sur une bande d’environ 800 kilomètres le long du littoral brésilien, entre l’État d’Espírito Santo et celui de Santa Catarina.
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