Le fascisme des « gamins de Rio »

 | Par Gilson Caroni Filho

Source : Carta Maior

Traduction : Etienne Bouchard pour Autres Brésils

Vitor Suarez da Cunha, le jeune homme de 21 ans, qui a eu 63 broches implantées dans le visage, nous a donné une magnifique leçon de vie, de solidarité humaine. Beaucoup ont écrit sur son attitude, mais aucun texte ne pourra traduire son courage, son amour du prochain, sa conscience citoyenne.

Qu’y a-t-il en commun entre une SDF agressée à coups de poings et de pieds à Leblon, quartier aisé de la zone sud de Rio de Janeiro, par trois hommes de classe moyenne qui l’accusent de casser le rétroviseur d’une voiture, et Vitor Suarez da Cunha, jeune étudiant battu sauvagement en tentant de protéger un mendiant frappé par cinq délinquants dans le quartier Jardim Guanabara, sur l’Ilha do Governador ?

Tous deux furent victimes d’une classe sociale qui prend la funeste voie idéologique du refus de la citoyenneté.

En moins d’une semaine, ces événements ont montré la violence d’un segment de la société incapable de distinguer le public du privé, un groupe social dont la vénalité est la marque de fabrique et qui considère la rue comme le prolongement de sa maison ou de sa cour. Un groupe social qui méconnaît les droits politiques et sociaux, méprise la condition humaine de ceux qui n’appartiennent pas à sa géographie sociale et qui reproduit, dans certains endroits de l’État de Rio de Janeiro, le caractère fasciste qui lui est inhérent.

Pour eux, la liberté se réduit à l’acte de choisir entre différentes marques du même produit et le bonheur est de passer un weekend en famille à vider les centres commerciaux, passer Noël et le réveillon du nouvel an dans une boîte de nuit « superluxe ». Pour les protéger : des vigiles, des yeux électroniques, des chiens de garde, des groupes d’extermination et la police violente que nous connaissons, protectrice de « gens de bien ». Quand ils se lancent à la recherche des illusions perdues, ils débutent une quête féroce, affichant une force idéologique effrayante.

Dans une époque où la condition humaine est avilie, où les gens meurent comme des mouches, des faits comme celui-ci ne peuvent, après un temps d’exposition médiatique, que provoquer, au maximum, des bâillements. Il est important d’arrêter de `se contenter de survivre, de croire que « cela n’arrive qu’aux autres » ou, encore pire, de faire du coupable la victime. Refuser l’indifférence, en persistant à appeler un accident une routine de morts et de mutilations, connue, annoncée et exécutée quotidiennement de manière bureaucratique. Dans les rues de Leblon et du Jardim Guanabara, ce qui est arrivé est un fait politique. Et il doit être combattu comme tel.

Comment classifier ce comportement de fascistes"bon teint" ? De perversion ? Cela relève du sordide, de l’abjection de l’aveuglement des valeurs. Plus encore : c’est le symptôme d’une culture qui fait de la débauche sa règle morale et qui, peu à peu, détruit un héritage historique, construit à partir du sacrifice d’hommes, de peuples et de nations. Ce qui est en jeu c’est la conscience de la vie comme bien dont personne ne peut s’arroger le droit de le nier à qui que ce soit. Qu’attendons-nous ? Que la loi de l’offre et de la demande régule le marché des massacres et des exterminations ?

La punition exemplaire des agresseurs, « personnes de bonne souche », est fondamentale pour ne pas continuer à vivre dans une société moralement abrutie. La barbarie ne peut continuer à satisfaire l’appétit de celui qui fait du rire cynique la seule échappatoire à l’impuissance et à la lâcheté. Les fascistes doivent savoir qu’il ne peuvent plus compter sur le « jeitinho brésilien » de traiter le droit à la vie et la dignité physique et morale de chacun. Dans le cas contraire, la certitude de l’impunité continuera d’allonger la liste des victimes. Dans un pays démocratique, le désir de justice ne se confond pas avec le droit de vengeance.

Vitor Suarez da Cunha, le jeune homme de 21 ans, qui a reçu 63 broches implantées dans le visage, nous donne une magnifique leçon de vie et de solidarité humaine. Beaucoup écriront sur son attitude, mais aucun texte ne pourra traduire son courage, son amour du prochain, sa conscience citoyenne. En affirmant « qu’il referait la même chose si c’était nécessaire », il devient le symbole d’une lutte politique non seulement possible, mais qui compte sur des combattants aguerris.

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