La mise en valeur de l’Amazonie brésilienne

 | Par Jean-Luc Pelletier

Le soja dont on parle le plus, n’est pas la seule culture industrielle brésilienne qui ait des conséquences sociales et environnementales fortes. Il faut compter aussi avec la canne à sucre, le coton, le maïs, les orangers, les pâturages, l’eucalyptus, certains palmiers.

Un accord général existe sur le fait que les immenses espaces cultivables - certains déjà cultivés, d’autres pas encore - seront un atout majeur pour le pays dans les décennies à venir et qu’il n’est pas question de ne pas en profiter. En toile de fond de cet accord : la raréfaction inéluctable des ressources pétrolières, l’augmentation du prix de l’énergie, qui vont provoquer, au niveau mondial, une forte demande de bio carburants (alcool, huiles diverses, bois...) qui pourront être partiellement fournis par l’agriculture et la sylviculture brésiliennes.

Il n’y a aucune chance, ni avec Lula, ni avec un autre gouvernement, pour que cesse la progression des zones mises en culture, au détriment de la forêt primaire ou "forêt vierge". On s’achemine vers une mise en valeur de plus en plus générale du territoire, y compris de l’Amazonie, avec des zones de protection environnementales de tailles plus ou moins grandes et d’un niveau de protection plus ou moins strict.

Le 6 juin 2006, le gouvernement a annoncé qu’il a décidé de terminer d’asphalter, d’ici trois ans, la route Cuiabá (capitale de l’état du Mato Grosso) - Santarém (port sur l’Amazone), ce qui va faciliter l’évacuation des productions agricoles et autres (aujourd’hui essentiellement soja, demain alcool, coton, sucre et toutes sortes de marchandises). En même temps, il annonce la création de trois réserves naturelles d’un total de 2,5 millions d’hectares, ce qui correspond à un carré théorique de 160 x 160 km. En février dernier, le gouvernement a annoncé la création, le long de cette route, d’une zone de développement durable de 16 millions d’hectares (un carré théorique de 400x400km).

D’autres projets d’aménagements de grands affluents de l’Amazone (Rio Madeira, Rio Xingu, Rio Tocantins...) sortent périodiquement de cartons où ils dorment depuis longtemps. Il s’agit de projets d’usines hydroélectriques. Mais un autre enjeu existe en arrière plan : celui de l’extension de l’actuel réseau de voies navigables amazonien - et même de sa connexion avec le Rio Paraguai, jusqu’à Buenos Aires - indispensable à long terme pour écouler les productions agricoles et autres, vers les zones où elles seront consommées ou vers les ports d’où elles seront exportées. En effet, plusieurs de ces affluents passent par des rapides qui interrompent la navigation. La construction d’usines hydroélectriques sera accompagnée de celle d’écluses qui les rendront franchissable à la navigation.

Le fait est qu’en prenant un peu de recul, on observe qu’en Amazonie, depuis les années 1970, la pénétration des aménagements modernes, avec toutes leurs ambigüités, n’a pas cessé. Par ailleurs, les grands enjeux mondiaux des prochaines décennies vont pousser à une poursuite de la mise en valeur de cette immense région.

<img1387|left> La question n’est pas d’être pour ou contre cette dynamique, mais de faire en sorte que la mise en valeur se fasse de la façon la plus intelligente possible en considérant le long terme. Les Brésiliens, pour la grande majorité d’entre eux, ne demandent que cela, ce qui par contre ne semble pas être le cas des multinationales que l’on voit agir actuellement. Leur pouvoir d’influencer, directement ou indirectement, les décisions politiques engageant le long terme dans un sens favorable à leurs seuls intérêts financiers est considérable, grâce aux lobbies et à l’argent dont elles disposent. Il doit être contrebalancé par une mobilisation et une vigilance de la société civile, encore trop faibles là-bas comme ici.

Les Européens sont les plus gros acheteurs de produits agricoles et il est vraisemblable que cela va continuer encore longtemps. En tant qu’acheteurs, consommateurs et aussi citoyens du monde, nous pouvons - nous devons - afin de nous associer à l’action que mènent sur place les mouvements sociaux, d’une part, n’acheter que ce dont nous avons réellement besoin, en bannissant les habitudes de gaspillage que nous avons prises collectivement au cours de la seconde moitié du XXe siècle, d’autre part, donner la priorité et si possible l’exclusivité à l’achat de produits répondant à des critères satisfaisants de qualité sociale, environnementale, éthique. Etant entendu bien sûr qu’un accord se fasse sur ce qu’on entend par « satisfaisant », coté acheteurs et coté fournisseurs.

Nos exigences d’acheteurs et de consommateurs sont prises très au sérieux par les grands groupes agro-alimentaires. Ils ne changeront leurs façons de faire - actuellement pour le moins contestables - que sous des pressions qui mettront en péril leurs intérêts.


Par Jean-Luc Pelletier

Source : Info Terra - Juillet 2006


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