La mauvaise répartition de l’eau au Brésil

 | Par João Suassuna

Le captage d’à peine 1/3 des réserves d’eau des fleuves du Nordeste suffirait à approvisionner les 47 millions de Nordestins, selon les normes stipulées par des organismes mondiaux.

<img1184|left> A l’école on apprend que notre planète est constituée pour 1/3 par les continents et pour 2/3 par l’eau. Cette proportion hydrologique correspond à peu près à 1,37 milliards de km³, dont 97% sont formés par l’eau des océans et des mers - par conséquent de l’eau salée - ne restant que 3% d’eau douce. La plus grande partie de ce pourcentage d’eau douce, qui représente près de 40 millions de km³, est formée par les calottes polaires et les glaciers, qu’aucune technologie existante ne peut capter ni transporter pour l’usage des populations. Il ne reste qu’environ 100 000 km³, soit approximativement 0,3% du total d’eau douce disponible, pouvant être utilisés par les habitants de la planète, estimés aujourd’hui à plus de 6 milliards d’individus (70% de cette quantité sont destinés à l’irrigation, 20% à l’industrie et seulement 10% à la consommation humaine). Il y a beaucoup d’eau mais inégalement répartie : 60% se situent dans tout juste 9 pays, alors qu’elle est rare dans 80 autres. Un peu moins d’un milliard de personnes consomment 86% de l’eau existante sur notre planète alors que pour 1,4 milliards, elle est insuffisante et pour 2 milliards elle n’est pas traitée, ce qui génère 85% des maladies véhiculées par l’eau.

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Le Brésil est considéré comme un pays très riche d’un point de vue hydrologique car il possède près de 12% de l’eau douce qui s’écoule à la surface du monde. Le problème c’est que cette quantité est répartie de façon inégale : il y en a 70% en Amazonie, région où vit moins de 7% de la population nationale (localement, il y a beaucoup d’eau pour peu d’habitants), 15% dans le Centre-Ouest, 6% dans le Sud et le Sud-Est et à peine 3% dans le Nordeste, dont les 2/3 sont situés dans le bassin du fleuve São Francisco. Au-delà de ces inégalités, on ne sait pas utiliser l’eau, car on en gaspille 46% dans son transport dans les canalisations tout au long des réseaux de distribution, ce qui suffirait à approvisionner en eau la France, la Belgique, la Suisse et le nord de l’Italie. Il est donc urgent d’avoir un nouveau modèle culturel pour l’utilisation de nos ressources hydrologiques.

Malgré les chiffres très réduits du Nordeste, le débit de ses fleuves représente une infiltration d’eau dans les nappes souterraines de l’ordre de 58 milliards de m³/an. Le prélèvement d’à peine 1/3 de ces réserves représente un potentiel suffisant pour approvisionner toute la population nordestine (estimée aujourd’hui à environ 47 millions de personnes) avec une consommation de 200 litres/personne/jour, préconisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et pour irriguer environ 2 millions d’hectares avec une consommation de 7000 m³/ha/an.

En ce qui concerne la quantité d’eau disponible par tête, l’OMS a établi un classement des divers lieux de la planète, y compris le territoire national, des régions considérées abondantes en eau, qui sont celles disposant d’une quantité supérieure à 20 000 m³/personne/an, en passant par les régions intermédiaires, disposant d’environ 5 000 m³/personne/an, aux régions où la situation est critique, qui sont celles disposant d’une quantité inférieure à 1500 m³/personne/an. Tous les états de la région Nord du pays sont classés dans les régions abondantes, le Roraima arrivant en tête des réserves d’eau avec l’incroyable chiffre de 1,7 milliards de m³/personne/an. Parmi les états du Nordeste appartenant à la zone semi-aride, seul le Piauí - en situation intermédiaire - a une position confortable, due à la richesse hydrologique de son sous-sol sédimentaire et à l’existence d’un grand fleuve constant, le Parnaiba, qui fait frontière avec le Maranhão.

Bahia - dont la situation est presque critique avec un approvisionnement supérieur à 2500 m³/personne/an - arrive à avoir davantage d’eau que l’état de São Paulo, car il bénéficie du fleuve São Francisco qui traverse l’état du Nord au Sud et il possède des zones sédimentaires éparses, mais suffisantes. La situation des autres états nordestins (Ceará, Rio Grande do Norte, Paraíba, Pernambuco, Alagoas et Sergipe) est préoccupante car ils sont dans une position critique en offrant une quantité d’eau inférieure à 2500 m³/personne/an, le Paraíba se distinguant d’entre eux avec un approvisionnement autour de 1437 m³/personne/an, et le Pernambuco, en tête de l’approvisionnement le plus faible pour ses habitants avec à peine 1320 m³/personne/an.

L’inégalité de la répartition hydrologique dans le pays, avec un désavantage évident du Nordeste brésilien, est la conséquence de caractéristiques géo-environnementales de la région, surtout avec la présence du bouclier cristallin sur près de 70% de la superficie semi-aride nordestine (ce qui rend difficile la constitution de réserves dans le sous-sol), de la topographie, avec le manque de percées fluviales pouvant être fermées, et des sécheresses qui ravagent habituellement la région. De plus, d’autres problèmes sont venus aggraver la rareté des ressources hydrologiques : la hausse de la température moyenne, augmentant le taux d’évaporation, la déforestation autour des sources, la pollution, l’accroissement des villes, l’augmentation de la demande pour la consommation humaine et l’irrigation et la mauvaise gestion des ressources hydrologiques (par manque d’attention dans l’utilisation de l’eau disponible). En conséquence de quoi, 45% de la population du pays n’a pas accès à l’eau traitée et 96 millions de personnes n’ont pas d’égouts.

En fin de compte, selon les recommandations de l’hydrologue de l’Université de São Paulo (USP), Aldo Rebouças, il est plus important de savoir utiliser la goutte d’eau disponible que de montrer son abondance. Parce que c’est un bien naturel rare, on constate une course effrénée à la possession privée de l’eau douce. Celui qui contrôle l’eau douce, contrôle la vie. Qui contrôle la vie détient le pouvoir.


Par João Suassuna

Source - Agência Carta Maior - 09/04/2004

Traduction : Sandrine Lartoux pour Autres Brésils


Consulter notre DOSSIER consacré au détournement du fleuve São Francisco


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