La crise brésilienne : sortir de l’apathie (2)

Le MST face à la crise : un soutien critique

Le MST et beaucoup d’autres mouvements sociaux critiquaient depuis longtemps les dérives éthiques et politiques du parti, sans toutefois cesser de le soutenir. Combien de leader du MST se sont retrouvés côte à côte avec les candidats du PT lors de meetings électoraux ? Stratégie de conquête du pouvoir, éternel problème des fins et des moyens, aujourd’hui le réveil est brutal, si non dans les instances dirigeantes du MST, du moins parmi la base la moins politisée du mouvement.

Face à la crise, beaucoup, de droite comme de gauche, attendraient du MST qu’il rompe clairement avec le gouvernement, à l’instar d’autres mouvements sociaux. Or, il n’en est rien. Le MST se montre sage, modéré, et surtout semble démontrer une claire maturité en tant que mouvement social : attendre pour voir, certes, mais aussi ne pas se mettre à dos celui qui reste pour l’instant son seul « ami », entendu comme le contraire « d’ennemi ». Tant que Lula sera au pouvoir, au moins la répression sera contenue et combattue, et il faut en profiter pour accumuler des forces.

Une position mal comprise, et souvent interprétée par la presse, par facilité ou malveillance, comme un soutien à Lula. Pourtant, il semble également que la direction du MST se place désormais dans la perspective de « l’après-Lula », avec ou sans lui [1]. Le problème n’étant évidemment plus ni « Pour ou contre Lula ? », ni même l’alternative " sèche " : « soutien ou rupture », mais deviendrait donc plutôt celui-ci : « que fait-on maintenant ? » Avec, c’est vrai, des différences/nuances entre dirigeants - voire entre eux - et la base. Le MST se bat à l’évidence, avec d’autres, pour une remobilisation populaire qui paraît pour l’instant plus que difficile.

Dans ses dernières déclarations officielles au sujet de la crise [2], le Mouvement condamne clairement la corruption, et revendique pour la énième fois un changement de cap dans la politique économique, la mise en oeuvre de réformes politiques, et des avancées dans les mesures en lien avec la réforme agraire. Autrement dit, le gouvernement et son président restent les interlocuteurs reconnus du Mouvement, qui ne montre donc pas de signes de « rupture », mais à la condition exclusive que des changements se produisent enfin, ce que officiellement le MST semble croire encore possible d’ici la fin du mandat de Lula.

La crise, à tort ou à raison, mais surtout sous l’impact des médias - les sessions télévisées des commissions d’enquête parlementaires sont de véritables « shows », battant en audimat les pourtant si célèbres telenovelas de la Rede Globo ! - a paralysé complètement le pays ces derniers mois. En mai dernier, 12.000 militants du MST et de Via Campesina Brésil réalisaient une marche nationale pour la réforme agraire [3], et avaient obtenu des promesses du gouvernement, dont certaines devaient être mises en oeuvre à très court terme : depuis le mois de mai, rien n’a avancé en ce sens. A titre d’exemple, les ressources de l’INCRA pour 2005 sont épuisées depuis la fin juin !...

Alors c’est surtout et d’abord sur ce terrain que le MST se bat et se mobilise : dans la semaine du 26 septembre, ce sont les sièges de l’INCRA dans les 23 états où le MST est organisé qui ont été « occupés », de façon massive et simultanée, pour exiger du gouvernement, tout simplement pourrait-on dire, qu’il tienne ses promesses... Certaines occupations se prolongent encore au moment où nous rédigeons cette note. Car pendant que les médias se réjouissent du marasme dans lequel se trouve le gouvernement, des millions de familles continuent à vivre au bord des routes, sous des bâches noires, dans des conditions indignes et inhumaines... A l’heure actuelle, malgré toutes ses promesses, le gouvernement Lula a fait moins bien que le gouvernement Fernando Henrique Cardoso en matière d’installations de familles sans-terre. Un comble.

L’élection le 28 septembre de Aldo Rebelo (PC do B, Parti Communiste du Brésil) à la présidence de la Chambre des Députés [4], pour la coalition gouvernementale, semble ouvrir quelques perspectives, difficiles aussi, de sortie de crise à ce niveau, notamment en permettant d’éviter une éventuelle procédure d’impeachment à l’encontre de Lula, et en mettant un frein à la spirale de la multiplication des scandales politico-financiers. C’est déjà ça, mais beaucoup - tout ? - reste à faire pour réparer des dégâts, peut-être irréparables, comme en témoignent les derniers sondages avec la chute de popularité de Lula lui-même, jusqu’alors épargné par les retombées de ces scandales.

Le comité de rédaction de Info Terra - octobre 2005


[1] Cf les déclarations de João Pedro Stédile dans une interview accordée à la revue Carta Capital datée du 19/09/05

[2] Lire les Positions politiques du MST dans la conjoncture actuelle, http://www.france-fdh.org/terra/actualites/positions-politiques090805.htm

[3] Lire à ce sujet Info Terra de juin 2005, http://www.france-fdh.org/terra/infoterra/juin2005.htm

[4] Son prédécesseur, Severino Cavalcanti (PP), éclaboussé lui aussi par des accusations de corruption, avait démissionné le 21/09/05.


Source : INFO terra, mensuel édité par Frères des Hommes,
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