La Justice autorise plus de 33 mille enfants à travailler dans des poubelles, des usines à engrais et des chantiers

 | Par Alex Rodrigues

Les juges brésiliens ont délivré, en 5 ans, 33 mille autorisations de travail pour des enfants et adolescents.

Source : Brasil de Fato - 23/10/2011

Traduction : Monica SESSIN pour Autres Brésils

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Les juges et "promotores de Justiça"[1] brésiliens ont consenti, entre 2005 et 2010, 33 173 autorisations de travail pour des enfants et adolescents mineurs de moins de 16 ans, contrairement a ce que prévoit la Constitution Fédérale.

Le chiffre, communiqué à l’Agência Brasil par le Ministère du Travail et de l’Emploi (MTE), représente plus de 15 autorisations judiciaires quotidiennes pour que des enfants et des adolescents travaillent dans les secteurs les plus divers, des ordures aux activités artistiques. Le texte constitutionnel interdit que des mineurs de moins de 16 ans soient embauchés pour quelque travail que ce soit, excepté comme apprentis, à partir de 14 ans.

Les données du ministère proviennent du Rapport Annuel d’Informations Sociales (Rais). Elles indiquent que, malgré les bons résultats de l’économie nationale dans les dernières décennies, les arrêtés judiciaires autorisant le travail infantile ont augmenté vertigineusement dans tous les 26 états ainsi que dans le District Fédéral. Sur l’ensemble de la période, São Paulo, Minas Gerais, Rio Grande do Sul, Paraná et Santa Catarina ont été les entités de la Fédération avec le plus grand nombre d’autorisations. La Justice « paulista » a consenti 11 295 autorisations et, dans le Minas Gerais, 3 345.

Selon le chef de la Division de Contrôle du Travail Infantile au MTE, Luiz Henrique Ramos Lopes, bien que la plupart des arrêtés judiciaires permettent à des adolescents de 14 et 15 ans de travailler, la quantité d’autorisations impliquant des enfants plus jeunes est également “effrayante” : 131 pour des enfants de 10 ans ; 350 pour ceux de 11 ans, 563 pour ceux de 12 ans et 676 pour ceux de 13 ans. Pour Lopes, les autorisations traduisent une “situation illégale, régularisée par l’interprétation personnelle des magistrats”.

Ces enfants ont des contrats de travail, perçoivent des salaires ainsi que tous les avantages, donc le contrat de travail est tout à fait conforme. Sauf que, pour le Ministère du Travail, le fait qu’un enfant mineur de 16 ans travaille est quelque chose de contraire à toute notre législation”, a déclaré Lopes à l’Agência Brasil. “Nous faisons notre possible, mais il n’y a pas pour le moment de prévisions permettant d’espérer en finir avec ces chiffres.

Activités insalubres

Bien que la plupart des décisions autorisent les enfants à travailler dans le commerce ou dans les services, dans certains cas ils sont embauchés dans l’agriculture, la fabrication d’engrais (où ils sont en contact avec des pesticides), la construction, la réparation mécanique et le pavage des rues, entre autres. “Il y a des activités qui sont interdites même aux adolescents de 16 ans à 18 ans, car elles sont dangereuses ou insalubres et figurent sur la liste des pires formes de travail infantile.

Au début du mois, le Ministère Public du Travail (MPT) a demandé à la Justice de l’état de Paraíba que soient annulées toutes les autorisations accordées par un promotor de justiça du Tribunal de Patos. Parmi les décisions contestées, au moins deux permettent que des adolescents travaillent dans les décharges municipales. Au début du mois également, le Tribunal de Justice de São Paulo a annulé les autorisations accordées par un juge du Tribunal de l’Enfance et de la Jeunesse de Fernandópolis, dans l’état de São Paulo.

Selon le coordinateur national de Combate à Exploração do Trabalho de Crianças e Adolescentes (Lutte contre l’Exploitation du Travail d’Enfants et Adolescents) et procureur du Ministère Public du Travail Rafael Dias Marques, la plupart des autorisations sont consenties avec l’argument que les jeunes, le plus souvent de familles dans le besoin, doivent travailler pour aider leurs parents à se nourrir.

Ces autorisations représentent une atteinte grave portée par l’État brésilien aux droits de l’enfant et de l’adolescent. En consentant les autorisations, l’État incite [les jeunes à travailler]. Ce n’est pas seulement une violation de la Constitution, mais également des conventions internationales dont le pays est signataire”, a déclaré le procureur à l’Agência Brasil.

Marques soutient que les autorisations, qu’il considère anticonstitutionnelles, nuisent au travail des contrôleurs et des magistrats du Travail. “Les contrôleurs ont les mains liées, parce que, dans ces cas-là, lorsqu’ils trouvent un enfant ou un adolescent mineur de 16 ans qui travaille, il ne peut imposer une amende à l’entreprise en raison de l’autorisation judiciaire.

Contacté par l’Agência Brasil, le Conseil National de Justice (CNJ) ne s’est pas manifesté sur le sujet avant la publication de l’article.


[1] Le ’promotor de justiça’ est un fonctionnaire du Ministère Públic chargé de faire appliquer la loi au nom de l’Etat et en vue de l’intérêt général. Il peut être comparé aux avocats ou procureurs généraux en France.

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