L’adieu à la vie de bandit (2)

 | Par Dayse Lara

<img439|left> Détenu à onze ans

Il arrive souvent, que seule la foi puisse « sauver » quelqu’un qui a déjà fait sa route dans le monde du trafic. Comme ce qui arriva au gardien Rogério Hanner Silva, 34 ans. Depuis qu’il a échangé son arme contre la Bible, il y a sept ans, il remercie Dieu pour tout. « L’Evangile a changé ma vie » affirme-t-il. Elevé dans un internat après la mort de sa mère, lorsqu’il avait 6 ans, Rogério a été détenu pour la première fois à 11 ans, il a échappé à la mort quelques fois, mais ça ne l’a pas empêché pour autant de rentrer dans la bande du Valzinho da Treze.

« Quand ils ont tué Zé Pequeno (fameux chef de gang de la Cidade de Deus), j’avais déjà été formé par ces mecs. On m’a offert un revolver quand la Cidade de Deus est entrée en guerre. J’allais aux Apês tirer sur les policiers » raconte-t-il. Les trois années en prison ne l’ont pas changé. « J’ai entendu beaucoup de gens dire que j’étais un cas perdu. »

Il a finalement changé à 27 ans, grâce à sa femme, Telma de Souza dos Santos, jounalière de 33 ans. Elle se souvient de l’enfer qu’elle a vécu. « Il ne me laissait pas en paix ; il rentrait drogué et me frappait. Dans un accès de colère, il nous a brûlés moi et mon fils, qui avait alors un an, avec de l’eau chaude ».

Cette nuit-là, les propres trafiquants de son gang ont demandé à Telma si elle voulait qu’ils le tuent. Elle a préféré croire en sa récupération et l’a traîné à l’Eglise. Là, Rogério n’a pensé qu’une seule chose. « Soit Dieu me guérit, soit il m’emmène avec lui ». Depuis il a plongé dans la foi. « Il y a même des gens qui trouvent que je suis devenu beau », dit-il.

Ce qu’il gagne comme flanelinha (personne qui surveille les voitures dans les parkings) de Vaga Certa, à une extrémité de la Barra, est destiné aux dépenses de la maison. Mais il est également fier de son travail à l’église. « Je ne sais quasiment pas lire, mais j’ai enregistré quatre disques. J’apporte mon témoignage à São Paulo et à Minas, je monte à la favela pour
évangéliser. C’est ma mission
 », déclare Rogério. Le soutien de Telma a été fondamental. « C’est une envoyée : elle ne m’a jamais abandonné, elle a toujours prié Dieu pour moi. Sans elle, je serais mort ».

Laisser l’arme pour la plume

A 22 ans, Vinícius Alvez da Silva est fier de ce qu’il fait, lui aussi. Surtout après le succès de la musique qu’il a composé pour Bonde Faz Gostoso. Il a toujours eu du talent, mais à l’époque où il trafiquait (il a commencé en 98 et a arrêté un an plus tard), il n’y attachait pas d’importance.

Les idées pour composer les musiques provenaient des conversations qu’il avait avec des amis. Mais elles restaient sur le papier. « J’avais un cahier pour écrire. J’écrivais et je le laissais dans un coin ». Aujourd’hui, Vinicius vit des chansons qu’il compose. « Maintenant on me respecte pour les chansons que je fais. J’ai acheté une voiture et j’ai envie de vivre honnêtement. Avant, sous mon oreiller, j’avais une arme, aujourd’hui je n’ai qu’un morceau de papier et un stylo » se félicite-t-il.

La route a été longue entre l’abandon du trafic et le succès. Il y a eu beaucoup de difficultés en milieu de trajet. Il éprouvait de la honte et de la discrimination. De temps en temps, il était même mêlé à des bagarres.

Mais le souvenir qu’il a gardé du temps où il trafiquait est très stimulant. Quand il était dans le movimento, Vinicius vivait la nuit et ne sortait qu’armé. « J’ai été emprisonné et j’ai failli mourir. On m’a attaché la tête et on m’a noyé dans un sceau, j’ai pris tellement de coups que j’ai failli perdre mon bras », raconte-t-il sans vouloir entrer dans les détails. « Ma mère est l’une des personnes qui a été le plus déçue de savoir que j’étais dans le trafic depuis un an. Mais je ne pouvais pas arrêter du jour au lendemain ».

Tout cela fait partie du passé. Aujourd’hui Vinicius est connu comme MC Jack. Un évènement l’a particulièrement marqué. Lors de son premier concert, suite à une invitation du rapper MV Bill, il a chanté à Curitiba devant 2.500 personnes. « En voyant beaucoup de jeunes se bagarrer, j’ai pris le micro, je me suis adressé à eux d’un ton volontaire, et là ils ont arrêté. Je voyait qu’il y avait plein de femmes et je leur ai dit de les envoyer balader. Après je me suis rendu compte de ce que j’avais fait, du pouvoir de la musique, de la sensation d’être sur scène. Et j’ai réalisé que le crime n’était rien à côté de tout ça. Et ça m’a fait re-concevoir ma vie ».

Par Dayse Lara de la Cidade de Deus et Vilma Homero et Cristiane Ramalho

Source : Viva favela - 01/03/2003

Traduction : Livia Honsel pour Autres Brésils

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