Grève générale, la couverture biaisée des médias

Source : Observatório da Imprensa
Traduction : Roger GUILLOUX
Relecture : Marion DAUGEARD
Par Francisco F. Ladeira et Vicente de Paula Leão 29/04/2017, n°941

Ce vendredi 24 avril, bon nombre de Brésiliens ont interrompu leurs activités quotidiennes pour participer à une grève générale organisée en réaction à la réforme de la législation du travail proposée par le gouvernement de Michel Temer. Comme d’habitude, la presse hégémonique brésilienne, liée aux intérêts des grands capitalistes, n’a manifesté aucune sympathie vis-à-vis des mobilisations des travailleurs.

Á d’autres époques, quand les grands organismes de communication détenaient le monopole de la diffusion de l’information à grande échelle, cette grève générale serait certainement passé inaperçue, elle n’aurait pas été publiée car elle n’aurait pas été digne d’être considérée comme un « fait journalistique ». Cependant, avec l’arrivée des réseaux sociaux, un grand nombre d’évènements peuvent être répercutés dans l’ensemble du pays, malgré la volonté d’étouffement de cette presse hégémonique. Et donc, face à l’impossibilité de cacher ces mobilisations populaires, les grands médias du pays - journaux, revues, radio et télévisions – ont eu recours à ce qu’elles font le mieux : déformer la réalité en fonction d’une finalité idéologique bien précise.

Selon la théorie de la communication du « recadrage de l’information », les médias font usage de certains mots, idées, expressions et qualificatifs qui suggèrent un contexte qui va modeler un fait déterminé, sélectionnant certains aspects et en laissant d’autres de côté. Ce procédé « reconstruit » l’évènement, le fait accepter tel qu’il est présenté et le rend donc « réel » permettant ainsi aux citoyens de se positionner et d’agir en fonction de cette reconstruction de l’évènement.

Les manipulations médiatiques

Comme tout évènement complexe, une grève peut aussi bien comporter des aspects positifs que négatifs. Cependant, afin de décontextualiser les faits, les médias de grande circulation ont amené le public à penser que ces manifestations n’avaient pas de « justifications » mais seulement des « conséquences ». Ce recadrage a permis de ne présenter que les perturbations causées par ces mobilisations populaires. Les bulletins d’information ont mis l’accent sur les embouteillages kilométriques et les drames de ceux qui ont été touchés par la grève. Les photos de grévistes se sont réduites à des gros plans ne montrant ainsi que des vues fragmentaires des manifestations.

Selon le linguiste français, Patrick Charaudeau, spécialiste de l’analyse du discours, la pathémisation - pratique visant à susciter des états émotionnels chez un public à l’aide de stimulus déterminés – est une stratégie extrêmement puissante de légitimation d’un discours médiatique. Et c’est pour cela que les principales chaînes de télévision n’ont pas arrêté de montrer la « violence » des grévistes en utilisant des images de voitures cassées, de pneus brulés et de destruction du patrimoine public. Des photos et des images qui ont mis en évidence les drapeaux rouges et sont ainsi arrivées à alimenter la peur de la population en associant la grève aux « communistes/pétistes ».

D’autres stratégies de manipulation ont été utilisées, telles que le choix des sources, la criminalisation des manifestations, la disqualification du mouvement gréviste, le détournement de l’attention vers des questions futiles. Choisir celui qui sera interviewé est une manière de s’assurer que l’histoire ne sera racontée qu’à partir d’un point de vue. Pour les analystes politiques liés aux grands médias, « la grève a été le fait d’une minorité et elle n’avait aucun appui de la population  ». En ce qui concerne la violence policière contre les manifestants, elle est justifiée comme étant une « protection du citoyen et du patrimoine public  ».

Face à cette réalité, nous devons réfléchir aux raisons qui conduisent les grands médias brésiliens à présenter, presque toujours, une vision unidimensionnelle de la réalité. Un seul point de vue trouve grâce auprès des chaînes de télévisions, des journaux et des revues de grande diffusion. Les opinions qui divergent de ce statu quo sont ignorées de manière péremptoire. Il est donc nécessaire de démocratiser les moyens de communication afin que les différents secteurs de la société aient la possibilité de défendre leurs valeurs politiques. En dernière instance, la vraie démocratie passe inexorablement par la fin d’une presse aux allures autocratiques.

Voir en ligne : A polêmica cobertura da greve geral

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