Dormir pour oublier la faim

 | Par Agência Pública, Elvira Lobato

A Japeri, dans la Baixada Fluminense, des mères de famille racontent leurs combats pour élever leurs enfants au milieu de la pauvreté, du chômage et des confrontations quotidiennes entre factions de narcotrafiquants.

La faim donne sommeil. La faim laisse des traumatismes à ses victimes pour toute la vie. Dans beaucoup de familles pauvres de la banlieue de Rio de Janeiro, la faim se transmet de génération en génération.

*Réalisé avec la collaboration de Angelina Nunes, Claudia Lima et Cristina Alves. Ce texte est issu du Concours de Micro bourses de Reportage sur la Faim organisé par Agência Publica en partenariat avec Oxfam Brasil.

Traduction : Marie-Hélène BERNADET pour Autres Brésils
Relecture : Du DUFFLES

. Texte : Elvira Lobato | photos : Ana Lúcia Araújo

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Certaines mères décrivent la faim comme une douleur physique qui frappe l’estomac comme un coup de poing. Pour d’autre, elle s’accompagne d’une souffrance morale incommensurable lorsqu’elles ne peuvent pas nourrir correctement leurs plus jeunes enfants ou quand elles sont obligées de les tromper avec quelque chose qui n’est pas de la vraie nourriture. Quand il n’y a pas assez de nourriture à la maison, la mère se prive de manger pour nourrir ses enfants.

Ces histoires de mères de famille, qui luttent pour nourrir et élever leurs enfants, se situent à 80 kilomètres à peine du centre de Rio de Janeiro, la capitale du deuxième état le plus riche du pays, dans la municipalité de Japeri, [1] où il existe des poches de pauvreté et de faim. Cette municipalité possède l’indice de Développement Humain (IDH) le plus bas de la région métropolitaine de Rio.

Crédits : Ana Lúcia Araújo

La violence et le chômage aggravent la misère. Trois factions de narcotrafiquants - Amigos dos Amigos, Comando Vermelho et Terceiro Comando – se disputent le contrôle des territoires, ce qui complique la mobilité et la recherche d’emploi. On conseille aux journalistes qui arrivent dans la commune de circuler en voiture avec les vitres ouvertes et les feux de détresse allumés pour que les bandits ne les confondent pas avec la police ou des membres de factions rivales.

Cette violence a entraîné la fermeture de deux des sept Centres d’Assistance Sociale (Cras) de la commune au cours du deuxième semestre de 2018. Les échanges de tirs ont lieu à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit et aucun quartier de Japeri n’est considéré sûr. Même pas Engenheiro Pedreira, le quartier où est concentrée la majorité de la population, des commerces et des services bancaires.

Avec une population estimée à 103 mille habitants par le IBGE , Japeri comptait 10.323 allocataires du programme de Bolsa familia [2] en décembre 2018. Notre reportage a identifié des femmes en situation de pauvreté extrême qui ne reçoivent actuellement aucune allocation par manque de documents officiels ou dont les paiements ont été bloqués. Selon Marcio Rosa, le secrétaire de l’Action Sociale de la commune, le gouvernement fédéral a suspendu près de 6 mille allocations en 2018 parce que les familles ne remplissaient pas les conditions requises – comme la réinscription et la pesée des enfants – ou bien à cause d’informations inexactes concernant les revenus du foyer constatées après recroisement avec les données officielles.

Un recensement itinérant

Le secrétaire de l’action sociale estime que le nombre de bénéficiaires est infime face à la pauvreté visible dans les rues. C’est pourquoi il a pris la décision de créer un système itinérant pour enregistrer la population démunie qui n’est pas inscrite au programme. “Nous pensons que beaucoup ne s’inscrivent pas par manque d’information, par peur ou par manque d’argent pour se rendre jusqu’à la mairie”, a affirmé Marcio Rosa. D’après lui, la mairie va louer un bus qui sillonnera les quartiers pauvres pour procéder à l’enregistrement.

Les bénéficiaires de la Bourse familiale, considérés comme extrêmement pauvres, reçoivent un minimum de 89,00 R$ . Le montant est augmenté de 41 R$ par enfant (cinq maximum, âgés de 0 à 15 ans) et de 48 R$ par adolescent (âgés de 16 à 17 ans, limité à deux). Afin de maintenir l’allocation pour les familles avec enfants, il est nécessaire de fournir un certificat de vaccination, de pesée et de taille des enfants jusqu’à l’âge de 6 ans.

L’aide de la municipalité de Japeri destinée à réduire la faim est minime. Le secrétariat ne distribue que 600 paniers de base par an. Le secrétaire explique que ce chiffre correspond au nombre d’unités distribuées, et non au nombre de familles bénéficaires. Cela signifie que toutes les familles en situation d’extrême pauvreté ne bénéficient pas de ce programme.

A cause de la situation de violence, la mairie a dû suspendre toutes les actions publiques de vaccination, de coupes de cheveux et de services à la population. “Comment pouvons-nous mettre des fonctionnaires et la population dans la rue avec trois factions qui se font la guerre ?”, a rétorqué le secrétaire. Au début de l’interview, il nous a fait écouter sur son portable des échanges de tirs enregistrés le matin même et la veille.

Depuis des générations, le sommeil sert à fuir la faim

Dormir est l’un des stratagèmes pour tromper un estomac vide, affirme Sônia Regina Campos, 61 ans, au moment de raconter son histoire. Originaire de Mesquita, une commune voisine dans la Baixada Fluminense, elle a dix enfants et quatorze petits-enfants. Comme sa mère, Sônia a quitté l’école en CE2.

Les similitudes avec la vie de sa mère ne s’arrêtent pas là : les deux femmes ont eu dix enfants chacune qu’elles n’ont pas été en mesure de nourrir convenablement. Le père de Sônia, alcoolique, avait plusieurs métiers. “Je me souviens des jours sans nourriture chez mes parents. Ma mère nous mettait au lit pour faire passer la faim, parce que la faim nous endormait. Cette situation a duré jusqu’à l’adolescence. Quand j’ai eu 14 ans, je suis allée vivre avec ma grand-mère parce qu’il n’y avait pas à manger chez ma mère”, raconte-t-elle.

Crédits : Ana Lúcia Araújo

Sônia s’est mariée à l’âge de 19 ans, contre la volonté de sa grand-mère, reproduisant ainsi le drame vécu par sa propre mère. Son mari vivait de petits boulots et se retrouvait souvent sans travail. Elle faisait des ménages pour mettre de quoi manger sur la table. Mais ce n’était pas suffisant. “Souvent, je mettais mes enfants au lit pour qu’ils oublient la faim, comme le faisait ma mère”.

Elle se souvient que son mari était nerveux quand il n’avait pas de travail et qu’ils manquaient de nourriture et qu’il se défoulait sur elle en la battant. “J’essayais de le consoler mais il me battait énormément. Il me battait comme il l’aurait fait avec un homme. Même enceinte, je prenais des coups. J’ai eu mon premier enfant à l’âge de 20 ans et à 30 ans, j’en avais déjà six.”

Pour nourrir ses enfants, Sônia récupérait des restes de légumes dans les marchés, ainsi que des aliments périmés jetés par les supermarchés. “Grâce à Dieu, mes enfants ne sont jamais tombés malades à cause de ça. “ Veuve à 53 ans et sans pension de son mari, elle survit en faisant des ménages et grâce aux 127 R$ par mois qu’elle reçoit de la Bourse familiale.

Aujourd’hui, Sônia habite dans une petite pièce louée qu’elle partage avec son plus jeune fils dans le quartier de Engenheiro Pedreira. Elle dort dans le lit à une place et son fils dort par terre. Ils n’ont ni frigo ni armoire, seulement une télé analogique de 14 pouces et une radio à piles.

Ses filles ont également des difficultés pour nourrir leurs enfants. L’une d’entre elles vit avec ses trois enfants dans un logement proche de celui de sa mère. Elle vit également de la Bourse Familiale et des dons des voisins. Sônia explique qu’elle suit avec inquiétude la situation de sa fille et de ses trois petits-enfants. « Je sais qu’ils ne mangent pas à leur faim parce qu’elle vient me demander de quoi manger. Comme moi-aussi je dépends de l’aide du voisinage, je ne peux pas beaucoup l’aider. »

Crédits : Ana Lúcia Araújo
Sônia Regina Campos en compagnie de l’un de ses dix enfants lors de la pesée de la Bourse Familiale.

Crédits : Ana Lúcia Araújo
Pesée de la Bourse familiale au Centre de santé de Japeri

Du Angu (polenta) avec de l’herbe

La personne affamée transforme l’herbe en nourriture. C’est ce que raconte Fatima Regina dos Santos, 53 ans, qui est née et a grandi dans la pauvreté, dans la Baixada Fluminense : “J’ai nourri mes enfants avec des maxixes,Fruit des fruits de la passion, des bananes vertes, de la polenta avec de l’herbe et des tiges de plume de poulet cuites au feu de bois. J’ai beaucoup souffert de la faim et c’est encore le cas. Il y a des jours où j’aimerais manger du pain, mais je ne peux pas. »

Fatima n’a pas de bons souvenirs d’enfance. Elle raconte que sa mère était alcoolique et se prostituait : « J’ai eu une enfance très difficile. J’ai souffert de la faim et je portais des vêtements faits de sacs de farine ». Elle a eu six enfants de deux maris différents qui ne l’ont pas aidée à subvenir à leurs besoins. Elle survit en faisant des ménages occasionnels, grâce aux 320 R$ mensuels de la Bourse Familiale, ainsi qu’à l’aide des voisins qui lui donnent parfois « un petit morceau de viande ».

Crédits : Ana Lúcia Araújo
Elle habite une maison, abandonnée par les propriétaires qui ont fui la violence, dans une favela du quartier São Jorge dominée par les trafics de drogue. Elle vit en compagnie de sa petite-fille et de sa plus jeune fille, âgée de quatore ans. Elle raconte que son autre fille vit dans une maison abandonnée dans cette favela et que comme elle, elle élève ses enfants sans aide des parents et souffre souvent de la faim.

De la nourriture de la prison

Quiconque voit Luzia Jesus Mendonça marcher dans les rues du quartier de Jardim Belo Horizonte, à Japeri, est loin d’imaginer la situation dramatique dans laquelle elle se trouve. Âgée de 41 ans, elle souffre de dépression et n’a aucune source de revenu, à l’exception de quelques menues monnaies obtenues grâce à la vente de tongs et de parfums à des voisins presque aussi démunis qu’elle.

Elle a quatre enfants et vit avec deux d’entre eux et son compagnon dans une construction inachevée entourée d’un fourré, aux abords d’une ligne de chemin de fer. De l’autre côté de la voie se trouvent les prisons où la famille va quotidiennement chercher le pain pour le petit déjeuner ainsi que les restes des repas des gardiens.

C’est le fils cadet, âgé de dix ans, qui va chercher le pain. Entre 7 heures et 8 heures du matin, le garçon descend de la butte par un chemin étroit et glissant, traverse la voie ferrée, passe par l’école Municipale Belo Horizonte où il étudie, et monte la colline jusqu’au Centre de détention Cotrim Melo qui fait partie du complexe pénitencier de Japeri et englobe les prisons Milton Dias et João Carlos da Silva.
D’après Luzia, tous les gardiens ne mangent pas le repas qui leur est servi. La plupart du temps, le garçon revient à la maison avec du pain et du beurre, mais certains jours il rapporte aussi du guaraná [3]. ou du lait chocolaté.

Le garçon déjeune à l’école et c’est pour cela que, l’après-midi, c’est à elle d’aller chercher les gamelles refusées par les gardiens et qui sont distribuées vers 14 heures. Selon Luzia, il y a beaucoup de familles qui tuent la faim avec la nourriture de la prison. La gamelle, qui se compose de riz, de haricots, de pâtes, de farofa [4] et de viande, est partagée pour le déjeuner et le dîner de la famille.

Luiza vit sous antidépresseurs. “J’habitais dans la favela de Jacaré (à Rio de Janeiro) quand j’étais petite. J’ai vu beaucoup de morts, beaucoup de fusillades et cela m’a laissé la tête en mauvais état », résume-t-elle. La famille reçoit l’aide des fidèles du temple de l’Assemblée de Dieu, fréquentée par Luiza. « Je reçois de l’aide de l’église et de la prison. D’ici, de là. »

Exclues de la Bourse familiale

Luiza Mendonça, qui dépend de la nourriture de la prison pour survivre, est l’une des six mille personnes à qui on a retiré la Bourse familiale. Elle ne reçoit plus d’allocation depuis le mois de juillet, lorsque son fils de quinze ans est allé vivre chez son père et a quitté l’école. Le maintien de l’allocation exige une fréquentation scolaire minimum de 85% jusqu’à l’âge de 15 ans et de 75% pour les élèves âgés de 16 à 17 ans. L’aide lui a été retirée parce que son fils n’allait plus à l’école.

Luciene da Costa Lima et ses quatre enfants ont été rayés du programme de la Bourse familiale en septembre 2018. Selon elle, le gouvernement a bloqué le versement mensuel de 525 R$ qu’ils touchaient parce que le croisement des données concernant les revenus a montré que sa fille cadette, âgée de 3 ans, a commencé à toucher une pension correspondant à un salaire minimum de la part de l’INSS en raison du décès du père, victime d’un accident de train.

Crédits : Ana Lúcia Araújo

Si l’on considère froidement les chiffres, la pension de 950 R$ que sa fille a commencé à percevoir a sorti la famille d’une situation d’extrême pauvreté. Mais la réalité est toute autre. Avec la pension de la petite, Luciene paye le loyer de la maison qui s’élève à 250 R$, et court au supermarché faire les achats du mois : 35 kilos de riz, huit kilos de haricots, huit bouteilles d’huile, 20 kilos de sucre, six briques de lait et suffisamment de semoule de maïs pour faire le « angu [5] ». Elle n’achète pas de café pour économiser. La viande est parfois au menu, mais uniquement les parties les moins nobles du poulet, qui sont moins chères. « Les enfants me demandent un yaourt, mais je ne peux pas le leur donner », dit-elle.

Leur maison est minuscule – salle à manger, chambre et cuisine – mais les pièces sont propres et décorées par les jouets des enfants données par les églises. Luciene est analphabète. Elle a quitté l’école à la fin de la deuxième année de l’école primaire et sait seulement dessiner les lettres de son nom.

Résignation et lutte

Âgée de 29 ans, Joice Aparecida dos Santos Ferreira se démène pour élever ses six enfants. Les deux plus âgés sont pré-adolescents et la plus jeune a un an. Tous les enfants ont des prénoms qui commencent par K : Kauã, Kaio, Kaíque, Karen, Kailane e Kauane.

Crédits : Ana Lúcia Araújo

Tous sont les enfants de l’aide maçon Agnaldo Orlando Silva. Celui-ci n’a pas d’emploi fixe et vit de petits boulots. Le couple s’est séparé et il faut qu’elle fasse appel à la justice pour l’obliger à subvenir aux besoins de ses enfants. Malgré tout, la jeune femme se montre résignée concernant ses dures conditions de vie. Elle ne se plaint pas de son ex-mari défaillant et rend hommage à l’une des tantes de celui-ci, employée domestique à Copacabana, qui l’aide financièrement et lui donne de la nourriture.

Joice vit avec ses enfants dans une « annexe » de deux pièces à côté de la maison de sa grand-mère, Maria Ernestina Santos, une ancienne employée domestique de 70 ans qui a appris à lire une fois retraitée. La grand-mère dit qu’elle souffre de voir les problèmes de sa petite fille. « Elle ne me demande rien, mais je sais qu’elle rencontre de nombreuses difficultés. Je l’aide à son insu, pour qu’elle n’ait pas honte. »

Les enfants plus âgés de Joice vont à l’école spirite Joanna de Angelis, où ils prennent le petit déjeuner, déjeunent et goûtent. Les plus petits vont à la crèche municipale, où ils déjeunent également. Dans la maison où ils habitent il n’y a pas de garde-robe, pas de frigo, de table ni même de chaises. Juste un lit double, un lit simple, une vieille armoire et un réchaud dans la cuisine. L’unique distraction de la maison est une petite télévision analogique de 14 pouces.

Joice se démène pour nourrir ses enfants : elle fait trois ménages par semaine et brode des robes et des shorts chez elle pendant que les enfants sont à l’école ou lorsqu’ils dorment. Elle travaille pour une couturière qui la paye 2 R$ pour chaque short brodé. Le prêtre de l’église qu’elle fréquente est marchand et il lui donne régulièrement des légumes. Elle n’imaginait pas son avenir ainsi : « Je pensais que ce serait bien mieux, mais je ferai tout mon possible pour que mes enfants aient une vie meilleure que la mienne. »

Les habitants de Japeri reçoivent de l’aide des religieux

À Vila Santa Amélia, l’un des quartiers les plus défavorisés de Japeri, l’institution religieuse spirite Joanna de Angelis finance une école de 125 élèves à plein temps. Fondée en 1980 par Terezinha Oliveira Lopes, 86 ans et originaire de l’état de Alagoas, cette école est un projet mené par des femmes. Les mères des élèves consacrent une journée par mois à aider à la cuisine, faire le ménage et s’occuper des installations. Les salles sont aérées et décorées de fleurs et les rideaux sont fleuris. Des arbres fruitiers donnent de l’ombre qui atténue la température. Le grand réfectoire est utilisé par les habitants pour les fêtes de mariage et les anniversaires.

La fondatrice est née dans une famille de 20 enfants. Ils étaient pauvres, mais ils avaient toujours de quoi manger. « Sans la nourriture d’ici, beaucoup de familles auraient faim », explique Terezinha. Les élèves reçoivent un uniforme, du matériel scolaire. Ils prennent le petit déjeuner, le déjeuner et le goûter. En plus des matières au programme, ils ont des cours de musique, d’informatique et de couture. Les coûts sont pris en charge par les membres du Centre spirite Joanna de Angelis, à Copacabana, et par les amis de la fondatrice. Les familles des élèves contribuent avec un kilo de nourriture par mois.

Terezinha est enseignante à la retraite et habite à Botafogo, dans la zone sud de Rio de Janeiro, à environ 100 kilomètres de là. Malgré son âge avancé, elle affronte la chaleur et les embouteillages pour se rendre à Japeri les jours ouvrables. « Je n’ai jamais été agressée ni abordée par des trafiquants. Je n’ai jamais reçu non plus d’ordre de couvre-feu à l’école. Je suis respectée pour mon travail. “, a-t-elle déclarée.

Crédits : Ana Lúcia Araújo

Elle attribue la décision de construire l’école à des entités spirites. Elle avait reçu en héritage deux lopins de terre et s’est rendue sur les lieux avec l’intention de les vendre. Voyant qu’il n’existait pas d’école dans la région, elle acheta deux lopins supplémentaires. « Ceci est ma source d’énergie et ma raison de vivre », résume-t-elle.

La pastorale est une source de nourriture pour les habitants de la Baixada

La première semaine de chaque mois, la cour de l’église catholique Sagrada Familia, à Posse, dans la commune de Nova Iguaçu, également dans la Baixada Fluminense, est envahie par le vacarme de près de 50 enfants amenés par leurs mères pour être mesurés et pesés. A la fin, ils reçoivent des compléments alimentaires et des vêtements donnés par les fidèles. L’équipe de Pastoral da Criança (la Pastorale de l’Enfant), qui relève de l’église catholique, connaît les besoins de chaque mère et procède au suivi permanent des plus nécessiteuses.

C’est le cas de Suelen Paulino de Assis, 24 ans, qui a eu son cinquième enfant trois jours avant la Saint-Sylvestre. Il s’agit d’une fille, prénommée Alicia. La mère vit seule avec ses enfants dans une maison en-dessous du niveau de la rue. Quand il pleut, l’eau recouvre le peu de meubles qu’elle a ainsi que la cuisinière. La mère et les enfants ont des plaques de sarcoptiose, une sorte de gale transmise par les chiens. La famille a perdu le bénéfice de la Bourse familiale en 2017 parce que les certificats de naissance et les cartes de vaccination ont été emportés par une inondation et de nouveaux documents n’ont pas été fournis.

Crédits : Ana Lúcia Araújo
L’histoire de Suelen ressemble à celle de nombreuses autres jeunes femmes pauvres de la Baixada Fluminense. Ses cinq enfants sont de quatre pères différents. Elle les élève seule, sans aide financière d’aucun d’entre eux. Elle est tombée enceinte au début de chaque relation et est devenue mère pour la première fois à l’âge de 15 ans. Comment réussit-elle à nourrir ses enfants ? « Grâce à l’aide d’autres personnes, je leur donne du riz et des haricots. Parfois, les gens me donnent un litre de lait », raconte-t-elle. Les légumes ne font partie d’aucun des repas des enfants.
Marcela da Cruz Barbosa, 25 anos, et Marcela Ferreira da Silva, 36 ans, vivent elles aussi dans une extrême pauvreté et sont également prises en charge par la Pastorael. La première est allée à l’école jusqu’en CM1 et habite avec son mari et leurs trois enfants dans une cabane en planches de bois avec un sol en terre battue. La seconde a cinq enfants et vit au bord d’une rivière polluée, dans la périphérie de Nova Iguaçu.

Crédits : Ana Lúcia Araújo
« Mon rêve est d’avoir une maison en briques. Mais je suis maniaque et je garde tout propre », souligne fièrement Marcela Barbosa. Elle fait des ménages et son mari gagne 216 R$ par semaine dans une station de lave-auto. 350 R$ de Bourse familiale viennent compléter les revenus du ménage mais il arrive que les parents aillent se coucher sans avoir mangé.

L’autre Marcela est analphabète, comme sa mère, qui elle aussi habite dans la Baixada. « J’ai toujours voulu étudier pour devenir auxiliaire de vie pour personnes âgées, mais ma mère m’en a empêchée. Elle disait que si elle n’avait pas pu aller à l’école, moi non plus je ne pouvais pas y aller. »

Elle a travaillé comme nounou jusqu’à la naissance de son deuxième enfant et fait des ménages pour compléter les 241 R$ mensuels qu’elle reçoit de la Bourse familiale. Le menu se limite à du riz avec des haricots, mais elle dit que les enfants ne manquent jamais de ce plat de base. « Je suis une super maman. Je donne toujours la priorité à mes enfants. »

Crédits : Ana Lúcia Araújo

[1ville située au nord de la métropole de Rio de Janeiro, elle fait partie de la « Baixada Fluminense » englobant 13 municipalités.

[2C’est un programme social brésilien destiné à lutter contre la pauvreté et mis en place durant la présidence de Luiz Inácio Lula da Silva. Voir aussi Traducton Autres Brésils, Carta Maior 2010, L’impact du programme Bolsa Familia sur l’éducation au Brésil

[3Dans ce cas, on parle de la boisson sucrée gazeuse, produite à partir des graines de la plante guaraná de l’Amazonie

[4Mets d’accompagnement à base de farine de manioc.

[5Plat d’accompagnement fait de semoule de maïs cuite, semblable à la polenta.

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