Mouvements : Votre nom est connu parmi les militants altermondialistes comme un des fondateurs du Forum social mondial de Porto Alegre et comme un des principaux animateurs du Conseil international du FSM, mais peu savent que vous êtes également un responsable important de l’Église brésilienne, tout en étant un laïc et non un prêtre. Quel itinéraire a bien pu vous conduire sur ce double chemin ?
Chico Whitaker : Ce fut un long chemin car j’ai aujourd’hui 72 ans et je compte au moins 52 années d’activité publique puisque je me suis engagé dans les Jeunesses catholiques et qu’une fois à l’université, je suis devenu président des Jeunesses étudiantes catholiques. Dès cette époque je me suis trouvé fortement engagé dans les problèmes sociaux. C’est ainsi que, par exemple en 1954, la question sociale au Brésil est devenue le thème central de notre programme de travail. Nous étions tous alors fortement influencés par un théologien français, le Père Lebret, un dominicain fondateur du mouvement Économie et humanisme, qui avait développé la notion du « péché social », celui de l’omission devant la misère, les inégalités et qu’il considérait comme nettement plus grave que n’importe quel autre péché. Je faisais des études d’architecture et de planification urbaine et c’est par ce biais-là qu’a commencé mon cheminement centré sur une activité technique : planification gouvernementale, enquêtes préalables, etc. C’est ce qui m’a amené plus tard à travailler au Brésil à la planification de la réforme agraire pour le gouvernement du président Joao Goulart en 1963 qui sera renversé par un coup d’État militaire. Il s’agissait des fonctions techniques mais qui abordaient déjà des problèmes sociaux difficiles.
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