Boaventura : « L’heure est venue d’une nouvelle gauche »

 | Par Boaventura de Sousa Santos

Le coup d’État au Brésil met en évidence l’esprit revanchard des élites, mais il n’a été possible que parce que le gouvernement [du parti des travailleurs] s’est contenté de vieux projets et de vieilles méthodes. Les conditions existent déjà pour une Autre Politique.

Source : Outras Palavras

Traduction pour Autres Brésils : Marion Daugeard
Relecture : Piera Simon-Chaix
Source : Boaventura de Sousa Santos, interviewé par Diego León Pérez et Gabriel Delacoste, dans La Diaria, traduit par Antonio Martins le 10/05/2016 (traduction de la version portugaise)

« Je dois aussi faire mon autocritique. Combien de fois ai-je dîné avec le président de l’Équateur Rafael Correa et fini en chantant les chansons de Che Guevarra, comme si la révolution était proche ? ». Nous sommes le 16 avril, à Montevideo. Au milieu de l’entretien mené par deux jeunes chercheurs uruguayens sur la crise politique au Brésil, le sociologue portugais Boaventura Santos évoque un moment des souvenirs personnels. Depuis le début du siècle, il a certainement été l’intellectuel le plus proche d’un ensemble de processus qui ont influé sur le chemin pris par l’Amérique du Sud, et qui sont désormais menacés par les conservateurs. Il s’est aussi bien intéressé aux gouvernements qu’aux mouvements transformateurs. Il a participé à la construction théorique et pratique des Forums Sociaux Mondiaux au Brésil. Il s’est engagé dans les Assemblées constituantes en Bolivie et en Équateur. Il s’est aussi intéressé aux processus de réflexion en Uruguay, en Argentine, au Chili, en Colombie, au Paraguay et au Venezuela. Comment ne pas l’écouter aujourd’hui ?

Boaventura commence son entretien en rappelant une critique qu’il a lui-même faite, à de nombreuses reprises, alors que le processus sud-américain était en cours. Malgré quelques exceptions – peut-être que le cas de la Bolivie est-il le plus notable –, les changements structurels ont été laissés de côté. L’on a opté pour un chemin plus facile : profiter du boom des matières premières et utiliser une partie des bénéfices pour une certaine redistribution des richesses – timide, bien que très importante, parce qu’inédite. Cela a permis aux oligarchies de maintenir leurs richesses et d’accumuler du pouvoir. Aujourd’hui, elles se contentent de rendre la monnaie.

À un moment donné, pourtant, Boaventura se fait plus incisif. Les réformes structurelles ont manqué, c’est vrai – et le Brésil est certainement le cas le plus grave. Mais pour un changement de cap, il ne suffit pas d’un « virage à gauche » : le peu de soutien dont disposent les partis qui se considèrent les plus révolutionnaires sur le continent est à ce sujet révélateur. Il faut aussi revoir les formes de politique et pour cela comprendre le rôle limité de la théorie classique – issue des Lumières et eurocentrée.

Boaventura paraît fasciné par les luttes qui surgissent d’en bas et transforment le quotidien. Les populations indigènes qui ne se sentent plus inférieures en Bolivie, en Équateur ou au Venezuela, mais lésées. Les adolescents brésiliens, qui occupent des écoles publiques ou utilisent le rap et le funk pour réaffirmer leur existence contre une société blanche qui veut les formater à avoir un travail, une famille, une voiture et un appartement dans une banlieue éloignée. Ce sont eux qui touchent le sociologue : « On a peut-être la clef pour les épistémologies du Sud : aller plus lentement, se méfier de la certitude que les idées nouvelles peuvent créer des réalités nouvelles. Non, les réalités nouvelles s’inspirent d’idées nouvelles, mais ce n’est pas toi qui crée des réalités nouvelles, ce sont les gens dans la rue, dans les luttes, ce sont eux qui innovent vraiment – et ce n’est pas toi, avec la théorie », dit-il.

Son discours laisse transparaître un espoir préoccupé. « Il est temps de recommencer », souligne Boaventura. Nous savons ce qu’il ne faut pas faire – et c’est déjà quelque chose. Pour recommencer nous n’avons pas de scénario, seulement l’intuition. C’est le moment de sauver et de réinventer la démocratie. Elle n’existera que si – comme le souligne Guilherme Boulos, du Mouvement des Travailleurs Sans Toit (MTST) – elle ressemble aux luttes qui viennent de la rue, pas aux débats en col blanc. Il ne s’agit plus de donner des conseils, de participer à des conférences que le pouvoir peut tranquillement balayer. La création et la mise en place des politiques redistributives doivent être assumées par les mouvements sociaux – et donc tirées des mains de ceux qui prétendent les maîtriser. Combien de formes de démocratie directe allons-nous inventer ? Personne ne sait la réponse. Cela dépendra de notre capacité à imaginer des présents et des futurs dont la validité va au-delà de notre théorie. Vaincrons-nous ? On ne le sait jamais à l’avance. « Quand la droite arrive, elle arrive revancharde », rappelle le sociologue. En Argentine, ils ont liquidé en quelques mois les conquêtes de douze années. Au Brésil, où se déroule actuellement un coup d’État, il est possible que ceux qui accèderont au pouvoir sans vote, et grâce à la crise, lancent une chasse aux sorcières, en désignant un bouc émissaire tout en éliminant les droits et en restaurant les privilèges.

Ce sont les risques courus quand on a l’audace de changer de monde, de ne se conformer à rien, de penser que rien n’est décidé par avance. Certains me diront : cela en vaudra-t-il la peine ? Il vaudrait mieux se demander : il y a-t-il une autre alternative ? Afin de réfléchir à cela, vous trouverez [ci-dessous] la première partie de l’entretien avec Boaventura. (Antonio Martins)

Boaventura de Sousa. / Photo : cecilia vidal

Comment analysez-vous la situation au Brésil, après le vote du procès politique contre Dilma Rousseff ?

Au moment où l’on parle, nous ne savons pas ce qui va se passer, mais de toute manière je pense qu’il y aura une période assez turbulente, politiquement. La destitution est clairement un acte qui caractérise un coup d’État parlementaire, notamment dans la mesure où il n’a pas été démontré la supposée responsabilité des crimes qui le justifient. Mais aussi pour des raisons politiques, puisque la présidente Dilma doit être l’une des politiques les moins corrompues d’Amérique latine. Et cela est grave pour la démocratie au Brésil et pour le continent. Si la destitution est votée, il y aura des conséquences. Évidemment, la polarisation sociale au Brésil est très forte en ce moment, et je pense que ni les mouvements sociaux, ni les citoyens, ni les classes populaires ne l’accepteront, surtout parce qu’il en résulterait un gouvernement dirigé par un parti, le PMDB, connu pour être l’un des plus corrompus de l’histoire du Brésil. Et puis, d’un autre côté, parce que le phénomène probablement le plus important derrière tout ça est l’opération Lava Jato, c’est-à-dire la grande enquête contre la corruption, qui sera peut-être paralysée puisque selon tous les signes dont nous disposons beaucoup de monde est impliqué dans la corruption, y compris des personnes qui sont membres du parti qui serait alors au pouvoir.

Tout cela crée un problème de légitimité démocratique difficile à gérer et dont les conséquences sont difficiles à prévoir. Mais l’impact de ce qui se produira sera très important pour toute la région. Si la destitution est votée, cela prouvera que les démocraties qui existent sur le continent sont facilement manipulables ; et que si quelqu’un gagne les élections et obtient donc le droit de gouverner, mais que des forces antidémocratiques décident qu’il ne doit pas gouverner, il est alors possible d’arriver à ce résultat par un ensemble de moyens. Parmi eux, un pouvoir judiciaire conservateur, au service de ces forces antidémocratiques. Mais aussi des forces externes, et dans ce cas je pense à celles de l’impérialisme états-unien. Ils n’ont pas vraiment intérêt à ce que se maintienne, au Brésil, un processus qui, s’il n’est pas anticapitaliste (Dilma n’est pas anticapitaliste, les nombreuses critiques adressées à son gouvernement, parce qu’elle ne respecte pas le programme pour lequel elle s’était engagée quand elle a été élue en témoignent), s’il n’est pas anticapitaliste, donc, est post-néolibéral puisqu’il y a des entreprises publiques de premier plan, comme Petrobras, qui sont nationalisées et des ressources naturelles importantes qui sont maintenues en dehors du marché international.

Le PT lui-même, avant le processus de destitution mettait déjà en œuvre une politique basée sur les exportations issues de l’extractivisme. Comment analyser ce scénario, quand de nombreuses forces qui conspirent ont été soutenues par le gouvernement lui-même ?

Il est vrai que pendant toutes ces années, les gouvernements populaires latino-américains, dont un certain nombre d’entre vient des mouvements sociaux, ont commis des erreurs.

Quelles sont-elles, dans le cas du Brésil ? Je pense – et cela peut aussi s’appliquer pour d’autres gouvernements, comme celui de Cristina Kirchner en Argentine – qu’ils ont profité d’une conjoncture exceptionnelle, de ce que l’on appelle le boom des matières premières. En raison de la dynamique de développement de la Chine, les prix des matières premières ont augmenté et ont permis des revenus importants pour ces pays. Les gouvernements populaires ont alors décidé d’approfondir le modèle de développement extractiviste, dans l’objectif de consacrer une partie de ces revenus pour effectuer une certaine redistribution sociale. En d’autres termes, ils n’ont pas changé le modèle économique. Ils ont permis aux riches et aux oligarques de continuer à s’enrichir. Les banques, par exemple, n’ont jamais gagné autant d’argent au Brésil que sous Lula. Mais comme les prix étaient élevés, il restait un excédent significatif pour effectuer une redistribution sans précédent. À travers des mécanismes comme la bourse famille (bolsa família) et d’autres politiques sociales, il a été possible de sortir 45 millions de personnes de la pauvreté, ce qui est un fait politique très important. Mais ce n’était pas du socialisme, parce que cela dépendait totalement des prix internationaux, sur lesquels le Brésil n’a pas les moyens d’influer.

Donc, en acceptant ce modèle de développement, ils ont aussi accepté le modèle politique qui était derrière, et qui venait de loin. Ce modèle politique est colonial. Il existe une continuité extrêmement forte avec le modèle colonial, qui a été brisée dans certains pays par la politique d’industrialisation et de substitution aux importations. Pendant ces gouvernements populaires, il n’y a pas eu de changement du système politique, ni du système de communication, ni du système fiscal – et c’est cela qui a conduit les partis au gouvernement à se retrouver piégés dans un processus identique à celui qui était au service des oligarchies et des droites traditionnelles. Elles se sont toujours servies de la corruption, des médias et de l’illégalité pour consolider leur pouvoir. Il y avait une tentation : peut-être que si on laissait les riches s’enrichir toujours plus, ils permettraient que le pays avance lentement sur le plan social. Le problème c’est que le boom des matières premières a duré jusqu’à ce que les prix baissent, avec le ralentissement de la Chine. À partir de là, il n’y avait plus d’argent pour garantir les politiques publiques.

Au moment où l’argent manquait, que pouvait faire le gouvernement ? Il n’y avait qu’une solution réelle, celle d’une politique fiscale différente : que les riches paient plus d’impôts. Mais comme le système n’avait pas changé, cela était totalement inenvisageable. Le gouvernement a donc commencé à faire deux choses : d’un côté, soutenir toujours plus l’agrobusiness, permettre le recul de la frontière agricole, de la frontière de l’extraction minière, ce qui a contribué à l’expulsion de populations, à la contamination des eaux, à la crise environnementale, via d’étranges complicités avec des armées privées, avec des organisations paramilitaires qui tuent des populations indigènes et des leaders paysans sur tout le continent ; d’un autre côté, les gouvernements ont fermé les yeux. Le cycle s’est essoufflé.

C’était une manière de gouverner comme on a toujours gouverné en Amérique latine, c’est-à-dire largement en faveur des classes dominantes et au détriment des classes populaires – mais dans un contexte favorable, qui laissait une partie de la richesse pour la redistribution sociale. C’est pour cela que la crise que vit le Brésil se répète en Équateur, en Argentine – où la droite revancharde est en train de détruire, en quelques mois, toutes les avancées sociales qui avaient été conquises ces dernières douze années. C’est pour cela qu’il faut recommencer.

Les gouvernements progressistes n’ont-ils pas largement préparé le terrain pour la droite ? Désormais, les forces conservatrices sont de retour au pouvoir et y trouvent une police militarisée et forte, en termes matériels et légaux, et des lois plus répressives. Ce sont des changements dont la mise en place aurait coûté bien davantage à la droite.

Je comprends la question. Les gouvernements progressistes se situent dans la continuité des gouvernements qui les précèdent, c’est pour cela que les ruptures paraissent plus drastiques qu’elles ne le sont dans la réalité. En vérité, les leaders indigènes ont continué à être assassinés au Brésil sous les gouvernements populaires. Maintenant, il existe une division dans la pensée critique latino-américaine, dans laquelle je me situe par adoption, puisque je ne suis pas latino-américain. Je ne vais pas jusqu’à considérer ces gouvernements comme réactionnaires. Certains collègues estiment qu’Evo Morales est un réactionnaire. Je ne suis pas capable [de répondre à cela], et si je vous dis que je n’en suis pas capable, c’est que cela constitue vraiment une limite à mon intelligence, à ma capacité analytique. Mais il est vrai que le progressisme a été créé à partir de vieilles formes de politiques et on en voit les résultats. Cela a clairement facilité l’entrée de la droite. C’est une grande erreur commise par certaines gauches du continent.

Un des grands intellectuels du continent, Álvaro Garcia Linera, a dit à de nombreuses reprises, après les résultats des dernières élections en Bolivie, que si la droite revenait au pouvoir, elle devrait reconnaître que le centre de la politique s’est décalé à gauche. Et cela parce que les forces de gauche ont réussi de nombreuses avancées, qu’il serait possible de réduire – toujours à partir d’un centre localisé plus à gauche qu’auparavant –, mais non pas de détruire. Comme vous le savez, ce n’est pas ce qui s’est passé. Prenez [le président de l’Argentine Maurício] Macri. En trois semaines, il a fait table rase de quasiment tout ce qui avait été fait en douze ans. La droite, quand elle arrive, elle arrive revancharde. Elle arrive décidée à éliminer tout ce qui a été obtenu pendant ces années, avec derrière la tête l’idée que, d’une part, ces avancées ne sont pas viables, et d’autre part, que les classes populaires ne les méritent pas. Elles sont privilégiées. Les classes populaires ont eu trop de privilèges, il faut y mettre un terme. Et la crise sert d’excuse. C’est là l’erreur qu’ont fait les gouvernements populaires : ils n’ont transformé ni le modèle économique, ni le modèle de développement, ni le système politique. Ils ont peut-être été victimes de leur enthousiasme. Je dois dire qu’au départ, j’étais à 100 % aux côtés de ces processus. J’ai participé de la rédaction des Constituantes de Bolivie et d’Équateur. Combien de fois ai-je dîné avec le président équatorien Rafael Correa, et chanté, à la fin, les chansons du Che Guevarra, comme si la révolution était proche ? Je ne pouvais pas imaginer que quelques années plus tard, l’alternative aux investissements nord-américains serait la Chine, qui met la pression et détruit les territoires de la même manière.

Donc beaucoup d’intellectuels doivent aussi faire leur autocritique, être moins arrogants. Nous avons peut-être maintenant la clef pour les épistémologies du Sud : aller plus lentement, se méfier de la certitude que les idées nouvelles peuvent créer des réalités nouvelles. Non, les réalités nouvelles s’inspirent d’idées nouvelles, mais ce n’est pas toi qui crée des réalités nouvelles, ce sont les gens dans la rue, dans les luttes, ce sont eux qui innovent vraiment – et ce n’est pas toi, avec la théorie.

Vous imaginez donc un scénario où les choses redeviennent normales : les États-Unis se tournent de nouveau vers d’Amérique Latine, le prix des matières premières continue de baisser et le cycle se termine ? Quel cycle peut désormais survenir ? À quoi devrions-nous commencer à penser, par rapport à ce qui se termine ?

Je ne pense pas que nous soyons en train de revenir à la normale ; ou alors, ce sera une normale bien turbulente. Ce sera une démocratie fermée, mais toujours plus vidée ; pas une démocratie de faible intensité, mais une démocratie d’intensité très faible. L’on ne peut pas penser à cela comme relevant de la normalité, mais comme le résultat d’un échec historique qu’il faut analyser, pour trouver les forces qui permettent un cycle nouveau, plus durable, moins fragile, où les conquêtes soient moins réversibles. Nous savons dans quelles conditions cela peut se passer, mais avec quelques turbulences, cela impliquera une réforme politique, que sera peut-être exigée dans la rue, revendiquée par les mouvements sociaux, par les organisations sociales. Nous avons peut-être besoin d’un autre cycle constituant. Une nouvelle Assemblée constituante, disons, qui promeuve une réforme politique forte, pour que cette démocratie puisse se défendre contre des forces capitalistes qui la séquestrent.

Cela demandera, par exemple, que l’on accepte une fois pour toutes que, dans les conditions de notre monde actuel il n’existe pas d’alternative socialiste dans le programme politique, il n’existe pas la possibilité de la prise de pouvoir révolutionnaire, comme à d’autres époques. La démocratie est l’unique instrument de lutte qui nous reste. Cette démocratie peut être réinventée, elle ne doit pas être qu’une démocratie représentative. L’enjeu central du processus politique se situe dans l’articulation nécessaire entre démocratie participative et démocratie représentative. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Que les partis politiques n’auront plus le monopole de la représentation politique. Les associations, les mouvements sociaux, réunis en assemblées, présents dans les quartiers, les campagnes et dans les villes, devrons trouver des moyens de participer ; non seulement de façon consultative, mais aussi pour la mise en œuvre de quelques-unes ou de nombreuses politiques publiques – conseils populaires d’Éducation, de Santé, d’Infrastructure. En d’autres termes, une façon de permettre aux citoyens, en plus d’élire des représentants, de prendre des décisions eux-mêmes.

Il faut inventer de nouvelles formes politiques qui permettent cette articulation entre démocratie représentative et démocratie participative. Pour que l’articulation soit efficace, il faudra qu’elle soit présente au sein même des partis. Il faut refonder les partis existants ou inventer d’autres partis à gauche, construits dans une logique de base différente, et cette logique doit inclure la démocratie participative dès le début. En Espagne il y a le parti Podemos, qui représente cette nouvelle volonté politique de créer ce que l’on appelle des partis-mouvements. Des articulations variées et différentes entre des cercles de citoyens qui délibèrent sur les politiques du parti, qui choisissent des candidats et prennent des décisions, que doivent assumer les dirigeants des partis. C’est une manière complètement différente de faire de la politique, et c’est aussi la seule capable d’empêcher que l’argent domine les décisions politico-partisanes et rende la corruption endémique.

Il existe un vaste espace pour la créativité démocratique. Pour cela, je lutte, dans mon travail, à travers ce que j’appelle les épistémologies du Sud, afin de créer également une réforme au sein de la connaissance. En effet, je ne pense pas qu’une justice sociale globale soit possible sans une justice cognitive globale. En d’autres termes [il faut imaginer] que les différentes formes de connaissance soient traitées démocratiquement. À la racine de tout le système politique se trouve la connaissance académique qui contrôle les universités et qui est eurocentrée, avec les sciences politiques, la sociologie et l’anthropologie. Ce sont ces instruments qui ont produit des politiques et les formes de représentations politiques que nous avons. Cela doit changer, en acceptant qu’il existe d’autres façons de connaître, que la représentation du monde est bien plus vaste que celle que s’en fait l’occident. Il existe d’autres formes de transformation sociale qui ne peuvent peut-être pas être désignées par les termes socialisme ou communisme. Elles s’appelleraient respect, dignité, protection des territoires, droits des femmes à disposer de leur corps. Tout cela, je l’appelle une écologie des savoirs, qui implique aussi une réforme au sein de l’université.

Si vous me demandez comment définir ce nouveau cycle en termes progressistes (parce qu’il peut en émerger une nouvelle barbarie, encore pire), je répondrais qu’il faut une dimension épistémologique forte, et cette révolution épistémologique passera par les universités. Les universités devront accepter que circulent, en leur sein même, de nouvelles formes de connaissance. D’autres conceptions de la vie sont possibles, mais dans les départements d’Ingénierie, de Sciences, de Biologie, de Physique, on se moque de nous lorsqu’on évoque la Pacha Mama, la Mère Nature ou les droits de Mère Nature.

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