Un peu plus d’un an après la destitution de la présidente social-démocrate Dilma Roussef, le Brésil continue de s’enfoncer dans la crise, sur fond de multiplication de scandales de corruption, de réformes anti-sociales, et de restrictions de la liberté d’expression au nom de la défense des valeurs religieuses. Plusieurs militaires agitent même la menace d’un putsch, officiellement pour mettre fin au chaos politique, mais qui pourrait servir à réprimer et étouffer toute contestation sociale progressiste.
Des généraux brésiliens évoquent publiquement la possibilité de déclencher un coup d’État militaire si la crise politique se poursuit. « L’intervention militaire sera légitime et justifiable, même sans soutien légal, dans le cas où l’aggravation de la crise politique, économique, sociale et morale provoquerait la faillite des pouvoirs de l’Union, suivie d’une grave instabilité institutionnelle avec un risque de guerre civile, de rupture de l’unité politique, de chute du régime démocratique et de perte de la souveraineté pour l’État », écrit ainsi le général Luiz Eduardo Rocha Paiva, dans l’édition du 5 octobre du quotidien O Estado de São Paulo [1].
Est-ce pour faire cesser les scandales de corruption qui se multiplient et impliquent le plus haut niveau de l’État ? C’est la motivation officielle. A bien lire la prose du général, si putsch il y a ce sera pour contrer les « leaders de mouvements pseudo-sociaux et les politiques à l’idéologie socialiste radicale, qui investissent constamment dans la division de la société » et le « leadership socialiste radical dont l’alliance a fait plonger le pays dans ses 13 années de gouvernement ». L’officier fait ici référence aux treize années de gouvernement du Parti des travailleurs, avec la présidence de Lula puis de Dilma Roussef, destituée il y a un an. « Dans un tel cadre d’anomie, les forces armées prendront l’initiative pour récupérer la stabilité du pays », poursuit le militaire dans sa tribune. En septembre déjà, un autre général de l’armée brésilienne avait défendu la possibilité d’un coup d’État face à la crise politique que traverse le pays.
Des expositions fermées ou interdites
Les opérations anti-corruption en cours au Brésil touchent une très large partie de la classe politique, en premier lieu les partis de la droite conservatrice. Le président intérimaire lui-même, le très conservateur Michel Temer, est visé par des accusations gravissimes de corruption directe. Il est notamment suspecté d’avoir reçu un pot-de-vin du directeur d’une grande entreprise agroalimentaire, JBS, et d’avoir acheté un jour plus tard des terrains dans un complexe de luxe dans l’État de Sao Paulo. Michel Temer a pris la présidence l’année dernière, sans élection, à la faveur de la destitution de l’ancienne présidente du Parti des travailleurs. Dilma Roussef, elle, avait été destitué pour des manipulations budgétaires et comptables, sans gain personnel, destinées à dégager des crédits supplémentaires pour financer les dépenses publiques.