Assassinat d’une religieuse nord-américaine (2)

Quelles sont les perspectives pour vivre, travailler, militer dans un contexte d’impunité digne de la Conquête de l’Ouest nord-américain ?

Le problème majeur est que la justice estadual - du Pará - ne va jamais rechercher les vrais responsables de ces crimes, liés aux mafias qui agissent en Amazonie : mafia du mogno (acajou), mafia de la terre (qui l’exploite), plus ou moins liée aux mafias de la drogue. Derrière les tueurs à gages et les commanditaires, on trouve des hommes politiques influents, haut placés, certains membres de partis politiques avec lesquels le Parti des Travailleurs a passé des accords de gouvernement...

Et c’est ce qui freine la fédéralisation de la Justice demandée par le Procureur de la République suite à l’assassinat de Irmã Dorothy : les gangs qui agissent sur les « Terres du Milieu » sont économiquement puissants, lourdement armés avec plus de cent pistoleiros à leur solde, avec un parlementaire fédéral de la base alliée de Lula au sommet de leur pyramide mafieuse, Jader Barbalho, impliqué personnellement dans l’exploitation des bois précieux et du crime organisé, intrinsèquement liés... [4]

Alors rien n’est gagné. Soeur Dorothy apparaît comme martyre, et l’assassinat d’une Américaine, même naturalisée brésilienne, cristallise l’attention partout dans le monde - alors que des centaines de travailleurs ruraux meurent dans les mêmes conditions brutales dans l’indifférence générale.

Reste à espérer que l’Etat brésilien y trouve un motif de reprendre en main ses fonctions régaliennes et d’assurer ainsi la sécurité de chaque citoyen.

Dans ce contexte, on mesure avec d’autant plus d’acuité l’importance de la marche que le Mouvement des paysans Sans Terre commence le 17 avril pour exiger la réforme agraire dans cet immense pays en proie aux mafias les plus dangereuses.

La priorité, c’est la lutte contre l’impunité à travers l’amélioration d’un pouvoir judiciaire fédéral véritablement indépendant - condition sine qua non pour résoudre les nombreuses affaires en cours et montrer ainsi à tous les assassins potentiels qu’ils seront punis pour leurs crimes s’ils osent encore. Aux partenaires étrangers aussi de ne pas faire le jeu des commerçants de bois précieux comme l’acajou : va-t-on accepter que soient englobées dans son prix les primes versées aux tueurs à gages ?

A Xinguara, Pará, les membres de l’équipe d’Henri Burin des Rozièrs, joints par téléphone, affichent sinon une certaine confiance, du moins ne trahissent aucune crainte de continuer leur travail malgré les menaces et tensions ambiantes. On aimerait y croire, nous aussi... « Envoyez des pétitions, c’est très important », nous disaient-ils.

D’ici, loin d’attendre passivement des améliorations, nous devons continuer à échanger avec les Brésiliens, leur manifester notre soutien, faire directement pression sur nos dirigeants et ceux du Brésil, à l’honneur cette année en France. Parce que la mort de Dorothy Stang et celle de tant d’autres travailleurs et militants l’exige. Contre l’impunité.

Par Hélène BREANT & Jean-Luc PELLETIER


[4] Pour paraphraser un article paru dans O Estado de São Paulo le 23 février 2005 : « Governo tem relatório que liga políticos a crimes no Pará »

<img33|left> Source : INFO terra - Mars 2005, mensuel édité par Frères des Hommes, http://www.france-fdh.org

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