Amérique du Sud : point d’inflexion dans l’intégration régionale

 | Par Raúl Zibechi, RISAL

Le Marché commun du Cône Sud, Mercosur, est en crise ; la Communauté andine des nations, CAN, est menacée par la fragmentation ; l’Alternative bolivarienne pour les Amériques, ALBA, n’est pas encore une alternative et la Communauté sud-américaine des nations, CSN, ne décolle pas. Les négociations du traité de libre-échange entre l’Equateur et les Etats-Unis sont dans l’impasse depuis le soulèvement indigène du mois de mars et le Gazoduc du Sud semble être en voie de se concrétiser. Nous vivons un moment d’inflexion dans le rapport de forces continental, mais les forces motrices d’une intégration alternative ne sont pas encore claires.

La droite continentale est à la fête. Devant la grave situation que traversent l’Argentine et le Brésil dans leurs relations avec leurs associés paraguayen et uruguayen, un éditorial de La Nacion de Buenos Aires (27 avril 2006) se demande : « S’agit-il de l’extinction lente du Mercosur ? C’est en tout cas une image qui ressemble trop à la mort », conclut Joaquín Morales Solá.

De l’autre côté du spectre politique, le président vénézuélien Hugo Chavez se félicite de la crise. « La Communauté andine des nations [1] (CAN) n’est pas en crise. Elle est morte », a-t-il affirmé au cours de la réunion des présidents à São Paulo [2]. Chavez a décidé de l’abandon par son pays de la CAN parce qu’il considère comme incompatible l’appartenance à l’alliance [andine] avec le fait de signer de traités de libre-échange (TLC) avec les Etats-Unis, comme l’ont fait la Colombie (27 février) et le Pérou (12 avril). Il a ajouté que le Mercosur [3] est en voie d’extinction et s’est montré satisfait de ces deux événements. Pour une bonne partie de la gauche continentale, dont Chavez lui-même, la crise des accords déjà existants comme la CAN et le Mercosur est positive puisqu’elle permettra de redessiner plus largement et plus complètement l’intégration régionale. Par contre, elle considère que le Gazoduc du Sud [4] (qui unira le Venezuela, le Brésil, l’Argentine et ensuite les autres pays du sous-continent) sera la « locomotive » d’une intégration régionale qui peut prendre comme point de référence l’Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA) [5].

Des crises différentes

Cependant, il convient de nuancer certaines questions. La crise de la CAN et celle du Mercosur obéissent à des raisons très différentes. La première est victime de la tenaille états-unienne qui est parvenue à soumettre [à la signature de TLC] les gouvernements d’Alvaro Uribe (Colombie) et d’Alejandro Toledo (Pérou) et est presque parvenue à en faire autant avec le gouvernement titubant d’Alfredo Palacio (Equateur) si ne s’était interposé le vigoureux soulèvement indigène du mois de mars mené par la Confédération des nationalités indigènes d’Equateur (Conaie). Le Venezuela a raison de souligner l’incompatibilité de l’appartenance à la CAN avec la signature de traités de libre-échange avec les Etats-Unis. Evo Morales semble aller dans le même sens en réclamant du Pérou et de la Colombie la suspension des traités. Pour rajouter un peu de confusion au tableau, la Bolivie, le Venezuela et Cuba s’apprêtent à signer le Traité commercial des peuples (TCP) qui supprime entre eux les tarifs douaniers pour les produits de leurs pays respectifs [6]. Avec cela, un nouvel axe prend forme autour du dynamisme de Caracas et de La Havane que rejoint maintenant la Bolivie.

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[1[NDLR] Constitué le 26 mai 1969 à Carthagène (Colombie) sous le nom d’Accord d’intégration sous-régional, le Pacte Andin regroupe la Bolivie, la Colombie, l’Equateur, le Pérou et le Venezuela.

[2[NDLR] Réunion le 26 avril des présidents du Brésil, d’Argentine et du Venezuela pour discuter du projet de Gazoduc du Sud.

[3[NDLR] Le Marché commun du Cône Sud, ou Mercosur, a été créé en 1991. Il rassemble à l’origine le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. Le Venezuela a entamé son processus d’adhésion en décembre 2005. Plusieurs pays ont le statut de « pays associé » : la Bolivie et le Chili, depuis 1996 ; le Pérou, depuis 2003 ; la Colombie et l’Equateur, depuis 2004.

[4[NDLR] Le gazoduc sud-américain est un projet qui consiste à transporter du gaz des gisements du sud de la mer des Caraïbes et de l’océan Atlantique, face aux côtes du Venezuela, vers le Brésil et l’Argentine.

[5[NDLR] Projet d’intégration régionale alternative proposée par Chavez et auquel se sont ralliés Cuba et la Bolivie se basant notamment sur la coopération plutôt que la compétition et sur la réduction des asymétries entre pays.

[6[NDLR] Ce 29 avril 2006, le président bolivien Evo Morales a officialisé l’adhésion de son pays à l’Alternative bolivarienne des Amériques, regroupant déjà le Venezuela et Cuba. Avec ses homologues vénézuélien et cubain, il a ensuite souscrit un accord pour la promotion d’un Traité commercial des peuples.

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