Amazonie : le dédain politique

 | Par Erika Campelo

Actuellement sur notre planète, une personne sur cinq n’a pas accès à l’eau. D’ici 2020, selon l’Institut du Pacifique pour l’Etude du Développement Environnemental et la Sécurité de Californie, 76 millions de personnes mourront pour manque d’eau potable. Face à cette situation, l’Amazonie est devenu un territoire d’une grande importance stratégique et politique pour le XXIè siècle : dans cette région, on trouve en effet 50% de la biodiversité mondiale et un cinquième des réserves d’eau douce de la planète.

Dix ans depuis le Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro en 1992, associations et autorités du monde entier se sont réunies fin août à Joannesburg, en Afrique du Sud, pour un Sommet Mondial sur le Développement Durable. C’est la troisième rencontre mondiale autour de l’environnement depuis 1992. La deuxième s’est déroulée en 1997, à Kyoto, au Japon, où ont été discutés les moyens de contrôler l’émission des gaz à effet de serre, principaux responsables du réchauffement de la planète. Le protocole de Kyoto a été adopté en fin de rencontre, les USA ne l’ayant toujours pas signé jusqu’à aujourd’hui.

La grande préoccupation de ces rencontres est d’impulser des politiques pour un développement durable, qui concilient développement économique et préservation de la nature, le modèle industriel actuel ayant déjà causé beaucoup de dégâts sur la planète.

<img1373|left> La politique brésilienne en relation à l’environnement a toujours laissé à désirer. Dans la forêt amazonienne, depuis la fin de la IIè Guerre Mondiale, une superficie de la taille de l’Etat du Minas Gerais, soit plus de 500 000 km2 de forêt, a disparu. Seulement dans les dix dernières années, près de 200 000 km2 de forêt ont été détruits, soit par des feux pour créer des terrains destinés à l’élevage intensif (comme dans l’Etat du Mato Grosso, où l’agriculture du soja a fait disparaître la forêt), soit par l’exploitation illégale du bois.

Un des rares projets du gouvernement fédéral qui fonctionne est le Programme Pilote pour la Protection des Forêts Tropicales, le PP-G7. Il est le résultat d’un partenariat entre le gouvernement brésilien et la communauté internationale, à travers la Banque Mondiale et les sept grandes puissances industrielles (le G7). Il a été créé dans le but de fortifier les bénéfices que les forêts tropicales brésiliennes peuvent apporter à l’environnement. Les fonds internationaux sont ainsi investis dans des projets développés par les propres communautés locales ou par les institutions fédérales qui ont un projet de développement durable. Aujourd’hui, grâce à ce partenariat, des projets sont développés, comme la RESEX (Réserve Extractiviste), le Pro-Manejo et la Pro-Varzea.

Cependant, pour surveiller l’Amazonie, l’Institut Brésilien de l’Environnement (IBAMA) ne dispose que de cinq avions et d’un inspecteur pour 40 000 km2 (taille de la Suisse).
Tout ce dédain politique n’arrange pas les choses. « La majeure partie des entreprises qui travaillent avec le bois, font des coupes illégales. Elles ne paient pas d’impôts, et ne déclarent pas leurs salariés. Le gouvernement fédéral n’a pas la capacité technique de les contrôler. De temps en temps, il organise une opération pour apparaître dans les médias. Le montant des amendes est ridicule si on le compare aux bénéfices des entreprises », explique Paulo Adário, Coordinateur de la campagne de Greenpeace en Amazonie.

Avec les élections présidentielles, toute l’attention se porte sur les quatre principaux candidats, mais ceux-ci prennent-ils en considération l’Amazonie ?
Analysant leurs programmes de gouvernement, on peut observer que ce n’est pas là que se trouve la solution aux questions soulevées par l’Amazonie. Lula parle seulement, très évasivement, de lier la protection de la nature au développement humain. Ciro Gomes insiste sur le fait que les « mega-parcs d’intérêt mondial, particulièrement en Amazonie, doivent aussi comprendre des financements étrangers ». Anthony Garotinho propose un long texte sur les problèmes actuels de la forêt et propose la création d’un « Ministère Stratégique de l’Amazonie », mais il ne donne pas plus d’explications sur ses objectifs.
Si l’on se base sur ce que proposent les candidats, peu de choses seront différentes en Amazonie à partir du 1er janvier 2003.

La situation ne changera pas non plus en ce qui concerne les « partenariats » internationaux signés par le gouvernement brésilien en relation à l’Amazonie, principalement avec les Etats-Unis. Dans les deux plus grands projets en cours actuellement, le SIVAM (Système de Vigilance de l’Amazonie) et le LBA (Large Scale Biosphere-Atmosphere Experiment in Amazonia), la présence nord-américaine est garantie.

Le SIVAM est un réseau de collecte d’informations sur la forêt amazonienne qui permettra un plus grand contrôle de l’espace aérien amazonien. Il permettra la surveillance d’activités auparavant peu contrôlées par le gouvernement fédéral, comme la déforestation, les incendies volontaires, les mines d’or clandestines, et le trafic de drogue. Tout cela grâce à des radars, des satellites et des patrouilles aériennes. Le matériel du projet a coûté 1.4 milliard de dollars et a été acheté à Raytheon, entreprise américaine spécialisée dans la Défense, sur laquelle pèsent des soupçons de favoritisme quant à l’attribution de ce marché. De plus, alors qu’il s’agit d’un projet national, payé par des fonds publics, on soupçonne aussi que toutes les informations collectées seront automatiquement transmises à Washington.

Le programme LBA est un projet à caractère international. C’est une recherche pluridisciplinaire qui étudie comment fonctionne l’Amazonie des points de vue climatologique, écologique et hydrologique, pour tenter de mieux comprendre ses interactions avec le reste de la planète. Le LBA est né d’un accord entre deux institutions coordinatrices, l’INPE (Institut National des Recherches Spatiales) et la NASA (National Aeronautics and Space Administration). Trois cents scientifiques y participent, dont deux cents Brésiliens et cent étrangers. La question est de savoir comment les résultats de ces recherches, qui se termineront fin 2003, seront utilisés par le gouvernement pour une application directe en politiques cohérentes de développement durable dans la région.

Pour que tous ces projets servent réellement à l’environnement et à la société brésilienne, n’avons-nous pas besoin d’un débat national sur l’Amazonie ? Quelle assurance avons-nous que les données recueillies seront utilisées pour le bien public ? Qui seront les véritables bénéficiaires de ces études ? Est-ce que le futur président de la République donnera assez d’importance à l’Amazonie ? Questions qui, jusqu’à la fin des élections, ne seront pas discutées et, selon les programmes des différents candidats, après non plus.


Par Erika Campelo

Source : Caros Amigos - Numéro Spécial Elections - septembre 2002

Traduction : Georges da Costa pour Autres Brésils


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